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Le développement de la mystique chrétienne (SEM126)

Le développement de la mystique chrétienne (SEM126)

La théologie mystique, branche essentielle de la réflexion chrétienne, constitue un pont unique entre l’expérience spirituelle et l’élaboration doctrinale. Après avoir posé les fondations avec l’étude de ses origines, ce séminaire se consacre à son développement médiéval, période où la rencontre entre expérience mystique et spéculation théologique a donné naissance à des œuvres majeures. Le Moyen-Âge a vu émerger des figures aussi marquantes qu’Hildegarde de Bingen, Maître Eckhart et les mystiques rhénans, dont l’héritage a marqué durablement la pensée chrétienne.

Code du cours: SEM126

Professeur : Marie-Anne Vannier

Description

Ce séminaire s’inscrit dans l'étude des origines de la théologie mystique. Il se propose d’étudier son essor au Moyen-Âge, période charnière qui voit s’opérer une véritable structuration entre théologie et mystique. L’objectif est de montrer comment les expériences spirituelles individuelles, souvent exprimées sous forme de visions, d’enseignements ou de prédications, ont été intégrées dans des systèmes théologiques capables de nourrir à la fois la vie de l’Église et la réflexion intellectuelle.

L’approche retenue est à la fois historique, théologique et comparatiste. Le séminaire mettra en évidence deux grands tournants :

  • le XIIᵉ siècle, marqué par la figure exceptionnelle d’Hildegarde de Bingen, abbesse bénédictine, visionnaire, théologienne et femme d’action ;

  • le XIVᵉ siècle, dominé par l’enseignement de Maître Eckhart et prolongé par les mystiques rhénans, tels Jean Tauler, Henri Suso et Nicolas de Cues.

Ces étapes seront étudiées en relation avec les apports de la théologie mystique orientale (Syméon le Nouveau Théologien, Grégoire Palamas) et avec la tradition juive (kabbale, hassidisme, mystique de la merkaba), qui ont exercé une influence non négligeable sur certains penseurs chrétiens.

Étape 1 : Le développement de la théologie mystique en Orient, en Occident et dans le judaïsme (IXE XIIE siècles)

La première partie du séminaire met en lumière l’unité entre théologie et mystique dans la tradition orientale, telle qu’exprimée par Vladimir Lossky : « toute théologie est mystique ». On étudiera Syméon, le Nouveau Théologien et Grégoire Palamas, témoins d’une approche intégrale où le dogme n’est jamais séparé de l’expérience. En parallèle, la découverte moderne des écrits de la mystique juive grâce à Gershom Scholem permet de mieux comprendre la richesse de la kabbale et du hassidisme, ainsi que leur impact indirect sur la pensée chrétienne.

Étape 2 : Hildegarde de Bingen et l’articulation entre visions et théologie

La deuxième étape est centrée sur Hildegarde de Bingen, figure incontournable du XIIᵉ siècle. Ses visions, consignées notamment dans le Scivias et le Livre des œuvres divines, ne se limitent pas à des récits spirituels : elles possèdent une forte dimension théologique et ecclésiale, validée par l’autorité de Bernard de Clairvaux et du pape Eugène III. À travers ses écrits, Hildegarde développe une catéchèse en images, où la Trinité, l’anthropologie chrétienne, la place de la femme et l’ordre cosmique trouvent une expression nouvelle.

Étape 3 : Maître Eckhart et la mystique de l’être

Le séminaire s’attache ensuite à l’œuvre de Maître Eckhart, dominicain allemand dont la pensée conjugue spéculation théologique et expérience intérieure. Eckhart se situe au croisement de la scolastique et de la mystique rhénane. Son « mysticisme spéculatif » vise à dépasser la simple spéculation pour conduire l’âme vers la naissance de Dieu en elle-même. Ses paradoxes, son recours à l’apophatisme et son insistance sur la Wesenmystik (mystique de l’être) ouvrent un champ théologique novateur, qui influencera durablement la tradition occidentale.

Étape 4 : Les mystiques rhénans et Nicolas de Cues

Enfin, la dernière étape aborde les disciples et héritiers d’Eckhart : Jean Tauler, Henri Suso et surtout Nicolas de Cues. Ces auteurs prolongent et nuancent la pensée eckhartienne, en soulignant les implications spirituelles et existentielles de la naissance de Dieu dans l’âme. Nicolas de Cues, en particulier, rationalise certains aspects et élabore une véritable théorie de la connaissance mystique, où l’expérience intérieure se conjugue avec une réflexion gnoséologique.

Ce séminaire sur le développement de la théologie mystique offre un parcours exigeant et passionnant à travers les grandes figures du Moyen-Âge. Il permet d’explorer comment la rencontre entre expérience spirituelle et réflexion théologique a façonné la tradition chrétienne et ouvert des perspectives encore actuelles. En intégrant l’apport de l’Orient et du judaïsme, il invite à une vision élargie et enrichie de la mystique. Plus qu’un simple parcours historique, ce séminaire propose une véritable immersion dans un univers intellectuel et spirituel où l’homme est invité à entrer dans le mystère de Dieu, à la fois caché et révélé.

Objectifs

  • Comprendre l’évolution de la théologie mystique au Moyen-Âge : acquérir une vision structurée du développement de la théologie mystique entre le IXᵉ et le XVᵉ siècle, en distinguant les grandes figures, les courants majeurs et leurs apports respectifs.

  • Analyser l’articulation entre théologie et expérience mystique : évaluer comment les auteurs médiévaux ont intégré les expériences spirituelles dans des systèmes théologiques cohérents, et comment cela a façonné la doctrine chrétienne.

  • Découvrir la diversité des traditions mystiques : mettre en lumière la pluralité des formes de mystique (visions, union, mystique du Cantique des Cantiques, mystique de l’être, ainsi que les différences entre théologie positive et théologie négative).

  • Situer les auteurs dans leur contexte historique et culturel : comprendre l’importance du contexte intellectuel, ecclésial et social dans la production des écrits mystiques, en tenant compte des influences croisées entre Orient, Occident et judaïsme.

  • Développer une approche critique et personnelle de la mystique : apprendre à interpréter les textes mystiques avec rigueur académique, tout en réfléchissant à leur pertinence spirituelle et théologique pour le monde contemporain.

Acquis pédagogiques

À l’issue du séminaire, les étudiants seront capables de :

  • Identifier et présenter les grandes figures de la mystique médiévale : reconnaître les apports spécifiques d’auteurs, tels qu’Hildegarde de Bingen, Maître Eckhart, Jean Tauler, Henri Suso et Nicolas de Cues.

  • Expliquer l’articulation entre théologie et mystique : démontrer comment la pensée théologique a intégré et interprété les expériences mystiques, en particulier dans le cadre médiéval.

  • Comparer les traditions mystiques chrétiennes et juives : mettre en parallèle les convergences et divergences entre la mystique chrétienne d’Orient et d’Occident et la mystique juive, en s’appuyant sur les travaux de Gershom Scholem.

  • Analyser un texte mystique avec méthode : développer une capacité à lire, commenter et interpréter des extraits de textes mystiques, en situant leur portée théologique et spirituelle.

Modalités d’évaluation

L’évaluation du séminaire sera basée sur deux composantes principales :

  • Une contribution d’environ 4 000 caractères, espaces compris, pour chaque étape.

  • Participation au débat durant la seconde semaine (la qualité étant le critère attendu plus que la quantité).