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L'inconscient de l'islam

20 mars 2019 | resena
L'inconscient de l'islam

Auteur: Malek Chebel

Malek Chebel

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Depuis plusieurs années, le réformateur musulman, Malek CHEBEL – récemment décédé – a appelé de ses vœux une évolution de la pensée au cœur de l’islam. Plus qu’une évolution, il s’agit davantage pour lui d’une transformation en douceur. Une lecture critique et contextualisée du Coran comme Livre révélé ayant un caractère absolu d’inimitabilité.

 

Malek CHEBEL, anthropologue des religions, philosophe et psychanalyste, reconnu dans son domaine nous invite à une réflexion en prise avec « L’inconscient de l’islam » ; titre de son livre publié chez CNRS Editions. 

Dans ce livre, il ne dénonce pas seulement ce que nous appelons aujourd’hui communément et facilement les « dérives de l’islam ». L’exposé serait à charge, et tout compte fait serait si simple. Il ne contribuerait nullement au débat. Il explique les deux logiques qui s’affrontent comme deux logos difficilement conciliables : une logique occidentale qui se veut progressiste, universaliste, prônant liberté et individualisme. Une logique orientale préférant le communautarisme, le tout-religieux,  et versé dans l’émotionnel à tout crin.

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En cinq chapitres assez courts mais denses, l’auteur propose une réflexion autour de l’idée de ce qui est permis et de ce qui est défendu. Autrement dit, de ce qui est péché (haram, en arabe), et de ce qui ne l’est pas. Son propos est de dire que tant qu’une parole performative ne changera pas le discours « mortifère et sans issue », il n’y aura pas de dialogue et d’avancée positives possibles. L’islam est selon son schéma de pensée trop profondément investi dans une dimension « soutenue(e) par des notions de faute et de transgression ». Comment  le sujet musulman pourrait-il s’affranchir d’une telle pensée ? Pour asseoir sa démonstration, Malek CHEBEL relit l’histoire du monde arabe musulman en interrogeant les lieux de fondation, de l’époque califale jusqu’à nos jours.

 

De cette étude, il fait ressortir l’omniprésence du « principe de faute »  qui, comme nous le savons, peut avoir dans des cas extrêmes des répercussions tragiques. Cette permanence remonterait donc aux racines de l’islam et de l’époque califale qui confère autorité et valeur absolue sur toute autre pensée. On ne s’étonnera pas dans ces conditions de voir naître tout au long de cette histoire, et jusqu’à nos jours, des procédés « limites ». Que sont-ils ? L’auteur en dégage quelques-uns, et non des moindres : Jihad détourné de ses principes premiers (Guerre Sainte), censure des livres/publications et œuvres cinématographiques, mise en valeur de « la figure du martyre » voire du « kamikaze », violence de la relation mère-fille (cf. par voie de conséquence les liens entretenus par la suite avec sa femme et les femmes en général)… Ces principes ne sont ni isolés ni cantonnés à la seule aire particulière et domestique. Ils impliquent chaque individu croyant au cœur de la Communauté de foi, et font transpirer des liens profonds entre la Religion, le Politique et la Liberté réflexive au cœur de la pensée musulmane (théologique, philosophique et culturelle).

 

Les nombreuses divisions au cœur de l’islam, l’absence d’une hiérarchie et d’un clergé musulman bien formé et ayant une autorité incontestée sont des freins. Cependant, nous constatons des tentatives de prises de paroles, de réflexions posées, d’essais d’arbitrage, ainsi que de propositions avec l’université d’Al Azhar… La dernière rencontre à Dubaï en est l’exemple récent le plus signifiant. En France, nous connaissons notamment les écrits d’Abdelwahab Meddeb, d’Abdennour Bidar, de Ghaleb Bencheikh El Hocine, de Nayla Tabbara…

 

Réduire les fractures religieuses et communautaires, faire évoluer une pensée bien ancrée prendra certainement encore pas de temps. Ne nous désespérons pas… Ne l’oublions pas : le Temps de Dieu n’est pas celui des Hommes quels qu’ils soient !

 

Patrice SABATER, cm

Barcelone mars 2019

  

Malek CHEBEL, L’inconscient de l’islam. CNRS Editions, janvier 2015. 128 pages. 15,90 €, et Coll. Biblis. CNRS Editions, août 2018. 200 pages. 10 €

 

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