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Agnès Hubert, L’Europe et les femmes, identités en mouvement

4 juin 2014 | resena
Agnès Hubert, L’Europe et les femmes, identités en mouvement

Recension de Agnès Hubert, L’Europe et les femmes, identités en mouvement, par Michel Van Aerde, op

Agnès Hubert, L’Europe et les femmes, identités en mouvement, Éditions Apogée, 1998, 192 p.
 

Quarante ans après le Traité de Rome et neuf ans après être paru, le livre L’Europe et les femmes, vaut toujours la peine d’être lu. « L’Europe et les femmes » forment en effet le lieu d’un malentendu nous dit Agnès Hubert, chiffres à l’appui, qui nous montre que le vote des femmes a été défavorable à l’Europe en maintes consultations électorales. L’auteur en analyse les multiples raisons [1] et, européenne convaincue, nous montre comment ce regrettable malentendu peut être dépassé.

L’article 119 du traité de Rome (25 mars 1957) proclame le principe de l’égalité de salaire entre hommes et femmes à travail égal. Agnès Hubert en présente l’histoire contrastée des motivations parfois obscures et paradoxales[2]. Il n’empêche que ce principe est porteur d’un dynamisme[3] civilisateur qui favorise la démocratie et l’intégration des nations en un ensemble riche et diversifié. Il y a en effet, selon Agnès Hubert, une étroite relation entre la mentalité masculine et l’état-nation. « L’enjeu de l’égalité entre hommes et femmes (…) dépasse de loin ce que d’aucuns réduisent par facilité à une lutte des sexes[4]. Reconnaître que le féminin n’est pas faible mais solidaire, pas lascif mais patient, pas subordonné mais soucieux des autres, et qu’il n’y a pas de honte à être un homme sans être celui qui domine, ou impose ou tyrannise, est une voie d’entrée essentielle pour construire la solidité de l’Europe et de la paix. L’Europe offre le cadre pour en débattre » p 149

"N’est-ce pas la qualité essentielle de la démocratie que de transformer les rapports d’autorité et les modes de légitimation autrefois dominants, de substituer à la force brutale et incontrôlée la délibération, la participation ? C’est le principe fondateur de la construction européenne » p 128

Pour Agnès Hubert, si l’Europe est « profondément malade », c’est de « n’être déclinée qu’au masculin singulier » p 146. Le mal non nommé « s’apparente à une certaine idée de la virilité qui doit tuer pour vivre » p 144.

Ce livre touche donc aux questions anthropologiques fondamentales du rapport à l’autre, de l’homme et de la femme[5], du national et de l’international. Il est remarquablement bien documenté du fait de l’ample culture de l’auteur, de son expérience professionnelle et de ses relations humaines très étendues.

Les questions posées ne trouvent pas toutes leur réponse, les problèmes n’ont pas encore tous une solution adaptée, ce livre n’est pas une collection de recettes mais présente très honnêtement les difficultés qu’affronte l’humanité, et l’aube d’une nouvelle civilisation qui se présente avec le phénomène européen. Cette vue est pleine de santé et donne à espérer, elle révèle le goût que peut avoir l’Europe, tout son sens.

[1] « La réduction des dépenses de services publics dont elles sont à la fois employées et clientes majoritaires, a un impact disproportionné sur leur situation et accentue les courbes en hausse d’une féminisation de la pauvreté… » p 111

[2] « La France du général de Gaulle fut alors soupçonnée de chercher un prétexte pour retarder la mise en place du Marché Commun…p 59 »

[3] « Quand vous avez introduit un ferment de nouveauté dans un système devenu statique, nul ne sait où s’arrêtera le mouvement ». Jean Monnet clefs pour l’action, Association Jean Monnet. Phrase citée en finale de la conclusion du livre d’Agnès Hubert

[4] « C’est pourquoi notre devoir est de défendre l’ordre et de ne jamais souffrir qu’une femme ait le dessus ». Créon dans l’Antigone de Sophocle.

[5] « Fini le temps des muscles, l’heure est aux alliances » p 95

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