DOMUNI UNIVERSITAS

« Quand les Anglais livraient le Levant à l’Etat islamique – Or, corruption et politique étrangère britannique »

24 octobre 2017 | resena
« Quand les Anglais livraient le Levant  à l’Etat islamique – Or, corruption  et politique étrangère britannique »

Lina MURR NEHME

Père Patrice Sabater, cm

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Il y a 100 ans jour pour jour, étaient signés à Londres, par deux diplomates l’un britannique, Mark Sykes, l’autre français, François Georges-Picot, des accords secrets portant leurs noms: les "Accords Sykes-Picot". Ces Accords allaient changer fondamentalement la face du Proche-Orient. Nous en subissons, directement ou indirectement, encore de nos jours les effets. La Grande-Bretagne et la France sont de fait deux nations alliées. Ils se partagent un monde qu’ils pensaient débiteurs à jamais. C’était sans compter sur la volonté des Peuples, sur leur besoin de liberté, et sur la soif d’émancipation.

Lina Murr Nehmé nous propose une relecture sans fards et sans concession de cette période trouble entre corruption, volonté politique et « jeux de dupes ». Dans son nouvel opus cette universitaire franco-libanaise signe une relecture de la stratégie britannique et de ses projets de déstabilisation du Proche et Moyen-Orient. Les documents que l’auteur présente bousculent nos certitudes. Le courage ne manque pas, et la plume déjà acerbe et vraie, est au service de celle qui souhaite témoigner de certaines vérités et de lectures nouvelles de ce qui s’est réellement passé. Elles permettent (enfin) de sortir ces Accords des sables dans lesquels l’Histoire de la Méditerranée orientale a été plongée; et la nôtre aussi.

Lina Murr Nehmé réinvestit l’Histoire pour rendre témoignage aux victimes de ces arrangements d’Etat(s). Par exemple, « pourquoi les Anglais ont-ils livré, en 1840, le Liban, la Syrie et la Palestine à l’État islamique ottoman ? Comment expliquer les génocides des chrétiens du Liban en 1860 et 1915-1918 ? Pourquoi les Anglais travaillaient-ils en 1915 à donner La Mecque pour capitale à un État islamique arabe comprenant le Liban, la Syrie et l’Irak ? Qu’est devenu le califat arabe qu’ils avaient essayé de créer et qui a fait rêver Ben Laden et les islamistes modernes ? Pourquoi ont-ils reconnu la suprématie des Saoud en Arabie malgré leurs massacres religieux ? Quelle est l’origine véritable de la guerre israélo-palestinienne ? Chacun des deux prétend que l’autre a commencé. Où est la vérité ? »

On nous pardonnera ici ce terme trivial, mais l’universitaire de Beyrouth assume un « détricotage » en règle en repassant les grands moments stratégiques et géopolitiques au Proche et Moyen-Orient des deux siècles derniers : le Califat ottoman au 19ème siècle et le Califat arabe rêvé par le chérif Hussein de La Mecque aux alentours de 1915. Le futur roi Ibn Saoud qui crée de toutes pièces un nouveau pays (le seul dans le monde portant le nom d’une famille) : l’Arabie Saoudite. Et, puis comment ne pas parler du conflit israélo-palestinien et de la création de l’Etat d’Israël en 1948 ?!?

 

Rien ne fut gratuit ni dénué d’intérêts (si évidents !) ni de sens pour les britanniques. Le Liban, l’Irak et bientôt la Palestine seront sacrifiés pour sauvegarder et protéger la route du pétrole et celle de l’Inde… Le Royaume-Uni, quand il ne favorise pas les aspirations des potentats, les laisse faire au risque que ces derniers commettent des massacres dont malheureusement la mémoire des peuples – celle des chrétiens, par exemple -, ne cesse de réclamer justice. Une mémoire douloureuse qui crie encore aujourd’hui pour qu’on lui rende justice.
Au Liban, en 1840, les Britanniques « fomentent » une guerre civile, et après avoir bombardé Beyrouth, offrent le Pays du Cèdre et le Levant aux Turcs. Les Arméniens, les Assyriens, les Chaldéens et les Syriaques seront des proies faciles face au totalitarisme confessionnel ottoman. Dans ces conditions, entre massacres et agressions multiples, on comprend aisément que se soient nourris des sentiments de haine, de frustration, des ressentiments, et de désirs de revanche au Liban, en Syrie, en Irak, en Palestine. La France n’est pas neutre. Elle n’est pas non plus en reste… Elle est sans doute tout aussi coupable et complice de ces manigances stratégiques. Les deux Puissances de l’époque se seront servies des uns, auront déçus les autres, et trompés beaucoup autour d’eux perdant la confiance d’un grand nombre.

Le livre de Lin Murr Nehmé nous permet de mieux comprendre les enjeux politiques au Proche-Orient. Cela nous éclaire sur les tensions de nos jours, à propos de la recherche des identités, dans la revendication du droit à rester sur leur terre ou de la retrouver. Cet ouvrage favorise ainsi une nouvelle compréhension de l’émergence du mouvement wahhabite et de l’émergence de DAESH. L’auteur nous donne des éléments appuyés sur des faits vérifiés pour relire l’histoire du Liban, de la Syrie, de l’Irak et de la Palestine, et de la création en 1948 de l’Etat hébreu. Enfin, et faut-il le dire ici, ce livre nous explique pourquoi il est si difficile au pays de Sa Très gracieuse Majesté la reine Elisabeth II, et à la France « mère » de liberté, d’égalité, et de fraternité, d’avoir une parole efficace et respectée; ainsi qu’une vraie volonté politique et diplomatique au Proche-Orient !!!

Voici donc un livre nécessaire dont la couverture et le titre sont déjà un résumé des buts avoués de cet ouvrage. Une somme bien documentée, didactique, argumentée et appuyée de nombreux clichés photographiques. A lire…

Patrice Sabater, cm
19 octobre 2017
 

Lina MURR NEHME, Quand les Anglais livraient le Levant à l’Etat islamique – Or, corruption et politique étrangère britannique. Editions Salvator, Paris 2016. 254 pages. 22 €
 

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