DOMUNI UNIVERSITAS

Les chrétiens d’Orient

24 avril 2017 | resena
Les chrétiens d’Orient

Bernard Heyberger

Père Patrice Sabater, cm

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Editions des Presses Universitaires de France, fondées en 1941 par Paul Angoulvent, nous présentent un nouveau numéro de la Collection Que sais-je ? On ne présente plus cette maison d’édition. Plus de 4000 numéros traduits en 44 langues ! Les auteurs sont tous des valeurs sûres qui nous tracent le chemin, nous indiquent les pas nécessaires, l’essentiel de ce que l’on doit savoir pour « ne pas perdre la boussole »… Bernard Heyberger est une de ces valeurs sûres : Ecole française de Rome, il est directeur d’études à l’Ecole des hautes Etudes en sciences sociales (EHESS) et à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE, Section des Sciences Religieuses). Il a dirigé l’Institut d’études de l’Islam et des sociétés du monde musulman (IISMM) à l’EHESS de 2010 à 2014.
Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur le Proche-Orient.

 

Au cœur du Proche-Orient dans la tourmente, l’auteur axe son ouvrage autour des chrétiens d’Orient qu’il nous présente dans un grand tour d’horizon, et en regard de la religion islamique. Il nous les présente en les resituant dans une histoire, dans le dialogue des religions, au cœur des conflits confessionnels… On sent le pédagogue. Les premiers mots de son introduction se veulent didactiques… « Les chrétiens d’Orient : l’expression est couramment employée… ». Deux pages plus loin, il récidive : « L’expression « chrétiens d’Orient » laisse entendre une homogénéité, ou au moins un sort commun à tous les chrétiens de la région… » (page 6). Il délimite enfin le champ géographique de son investigation et le périmètre de son étude au cœur duquel les chrétiens d’Orient « vivent presque tous, depuis très longtemps, dans des pays majoritairement musulmans » (pages 7-8). Parler des chrétiens d’Orient est aussi raconter l’Histoire de France, de ses liens entretenus depuis des siècles avec le Levant et, ce faisant, il présente la belle et généreuse association « L’Œuvre d’Orient » au service de ces Frères et Sœurs d’Orient depuis 1856.

La thématique, la présentation historique et spirituelle sont classiques. Le plan du livre l’est tout autant. C’est, ici, un historien qui parle et qui aborde la présence chrétienne au Proche et Moyen-Orient dont l’existence est marquée depuis longtemps par des contacts avec l’Occident. Les chrétiens d’Orient sont, malgré eux, au coeur de l’actualité depuis le début du conflit en Syrie et en Irak  et, d’une certaine façon aussi, depuis le début des révolutions arabes… ils sont surtout pris pour cible par DAESH et ses satellites.
Le chapitre 6 marque une césure avec l’ensemble du livre. Il s’intitule : « Les chrétiens et la nation ». Bernard Heyberger, tout en poursuivant son analyse historique, présente également quelques marques et traces sociologiques de ce que sont les chrétiens d’Orient, leur façon de vivre, leur investissement comme individus au titre de « la nation », et leurs revendications en termes de « citoyenneté ». Il aborde, par exemple, les effets directs ou indirects des guerres en cours ou passées, les répercussions de la montée de l’islamisme, de l’enlèvement du Père Jean Mourad le 21 mai 2015, de la piété des chrétiens de cette région. Il évoque les figures de saints libanais comme Charbel Makhlouf ou sainte Rafqa ; et de la jeune carmélite palestinienne d’origine libanaise (melkite)  sainte Myriam Baouardy. Avant de parler du dialogue œcuménique, il traite aussi de la religiosité et de l’atavisme chrétien oriental pour le culte à la Sainte Vierge. « Ces observations, dit-il, amènent à corriger l’image attachée aux « chrétiens d’Orient » de victimes passives aujourd’hui en voie de disparition. Elles attirent l’attention sur ce dynamisme religieux qui les caractérise depuis le milieu du XXème siècle ». (page 114)

Ce petit livre donne aux lecteurs une autre manière d’envisager l’Orient chrétien en bousculant les idées reçues trop souvent réductrices. Malgré la barbarie, la persécution, les difficultés économiques variables selon les pays et le temps historique, l’Orient chrétien demeure un lieu de foi. Le monachisme y reste florissant et les vocations nombreuses. Les chrétiens ont contribué véritablement, concrètement, en profondeur à la « Nahda » (« renaissance »), à l’arabité, à la culture. Au cœur des difficultés, ils ont façonné le visage du Levant. Que sera l’Orient chrétien demain ? Comme il est difficile de répondre à cette question ! Les chrétiens y auront-ils un rôle à jouer ? Auront-ils les mêmes droits, la même liberté de culte et d’association que les autres citoyens des pays où ils demeurent ? Qui pourrait le dire ? Bernard Heyberger avoue que « dans ce contexte, il est difficile d’offrir des perspectives pour l’avenir » (page 123).
La ligne éditoriale est respectée. Le champ d’investigation est couvert, et donne matière à penser la présence chrétienne au Proche-Orient dans l’espace et dans le temps. Aucune fioriture, aucune digression inutile… seulement des faits pour celui qui veut donner du corps à la vie et à la présence des chrétiens - nos Frères - au Proche-Orient.

Patrice Sabater, cm
20 avril 2017


Bernard Heyberger, Les chrétiens d’Orient. Editions PUF. Coll. Que sais-je ? n° 4050. Paris mars 2017. 127 pages. 9 €

Crédit photos : La Croix
 

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