Le Ménestrel de saint François

Auteur: Patrice Sabater
Jacques Jouët, Le Ménestrel de saint François. Ed. Salvator. Paris. 252 pages (18,50 €)
Jacques Jouët raconte son propre itinéraire : de la Bretagne natale, en séminaire, à la vie franciscaine itinérante, mendiant pain et hébergement, accompagné de sa guitare, au service des pauvres. Ce « ménestrel de saint François » incarne avec authenticité une vie de pauvreté volontaire, de pèlerinage, de partage, de musique et de foi. Le récit est celui d’un homme qui a réellement vécu ce qu’il décrit. Un profil plutôt rare mais est-on Franciscain d’une façon unique et absolue ? Standardisée et « encadrée ». Le Frère Jacques Jouët témoigne du contraire.
Alors séminariste à Vannes, il fait la rencontre de François d’Assise au gré d’une lecture, qui l’amène à une « seconde révélation » : l’itinérance. Dans la Communauté franciscaine de Fontenay-sous-Bois, il adopte à l’âge de 33 ans une vie d’itinérance : mendier sa nourriture et son hébergement, marcher, errer, être au service des plus pauvres. Et, le livre qu’il présente aujourd’hui, a fait pour but ultime de nous plonger au cœur de la spiritualité franciscaine vécue de façon concrète. Avec lui, nous prenons la route faisant de ce chemin Cela peut parler à ceux qui cherchent une foi « expérience de cette confiance totale le libère de ses peurs et le ramène à l’essentiel ». L’acte de foi est en mouvement » plutôt que contemplative. En racontant son cheminement, il propose de réfléchir à ses propres «routes», à ce qui le fait marcher, à la musique de sa vie. Il privilégie l’expérience personnelle et subjective : ce qui est une force pour l’authenticité.
Le Franciscain invite à une expérience esthétique mêlant musique, chant, marche, et itinérance selon l’esprit de la « sequela Christi ». Il est lui-même musicien‐compositeur, un ménestrel ou un troubadour des Temps modernes. Le livre s’inscrit nettement dans une démarche personnelle. Sur une vingtaine d’années, il chemine à travers l’Europe (France, Italie, Belgique…), seul ou avec d’autres Frères ou des laïcs. Il crée des chansons, s’accompagne de sa guitare, devient ce qu’il appelle « le ménestrel de saint François ». Le fait de relier sa vie consacrée dans la Famille franciscaine à la musique populaire est intéressant parce que peu commun. De ce fait, il tente de démontrer que la vocation religieuse peut prendre des formes inattendues, non seulement dans un cloître ou un monastère, mais dans la marche, la rencontre, la mendicité volontaire, la musique de rue. De la sorte, il actualise la figure de Saint François d’Assise, son idéal de pauvreté, de simplicité et de fraternité) la rendant sous le prisme d’une forme contemporaine. L’ouvrage présente une double voie : celle de la marche, de la pauvreté volontaire, de la fraternité, et celle de la musique, de la louange, de la rencontre.
Le style du jeune religieux est celui du témoignage de vie. Il n’hésite pas à parler de sa vie intérieure, de son chemin, de la vie religieuse ce qui peut être un frein pour les personnes un peu éloignées de la dimension de foi. Mendier l’essentiel, vivre en fraternité est pour lui l’essentiel. Cela pourra paraître un peu « décalé » ou « romantique » de nos jours. L’Evangile n’est-il pas depuis le début du ministère de Jésus-Christ une marche, une proposition paradigmatique décalée ? La proposition du Pauvre d’Assise, le « Poverello » n’était-elle pas aussi à contrecourant de son époque et de la grammaire religieuse de son Temps ? Certains lecteurs peuvent regretter plus de « réalité brute » ou de détails plus critiques sur les difficultés, les doutes. L’auteur peint un beau portrait d’une vie habitée, originale, et propose une vraie invitation à cheminer. C’est un livre de cheminement. Le livre s’adresse prioritairement à ceux qui s’intéressent à la vie religieuse, à la spiritualité, à la musique chrétienne ou franciscaine. Il provoque la question : « Qu’est-ce qui me fait marcher ? Quels sont mes compagnons de route ? Quelle est la guitare – la musique – de ma vie ?», « Qu’est-ce qui me met en route ? ». Le chemin reste ouvert avec guitare pour celui qui prend la route, et Dieu sait les rencontres et l’expérience qu’il/elle sera amené(e) à vivre. C’est ce qui a au bout tout compte fait qui compte… ; ce que l’on trouve.