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Jean RIgal, Une foi en transhumance

2 juin 2014 | resena
Jean RIgal, Une foi en transhumance

Recension de Jean RIgal, Une foi en transhumance, par Guido Van Damme, op

Jean RIgal, Une foi en transhumance, Desclée de Brouwer, Paris 2009, 257 p.

« La transhumance, dit le Robert, est la migration périodique du bétail de la plaine vers de nouveaux pacages en montagne ». Qu’on pardonne à l’auteur, Jean Rigal, de confondre foi et bétail, car son titre est parfait. En Occident particulièrement, les horizons de la foi sont périodiquement déplacés, et les vertes prairies d’antan se muent en un paysage escarpé, difficile, abrupt. La première partie du livre est consacrée à un « audit » religieux qui est d’un réalisme saisissant et pas nécessairement pessimiste, encore qu’il s’applique mieux à la France qu’à la Belgique. Et puis la transhumance a ses bergers, qui ressemblent étonnement aux chrétiens d’aujourd’hui. Tous sont priés d’accompagner le troupeau à pied, avec le moins de bagages possible, avec l’essentiel dans le cœur : et c’est la deuxième partie du livre qui comporte en son milieu un superbe crédo qui conduit au maître mot de l’ouvrage : « La foi est un « devenir » pour chaque chrétien comme pour la communauté des croyants toute entière ». En somme, ce livre est la meilleure façon de répondre aux fidèles qui doutent de tout et de rien. Qu’ils ne nous bassinent plus les oreilles avec un prétendu échec du christianisme ; le seul problème c’est qu’on ne l’a pas encore vraiment essayé, ni véritablement vécu.
Jean Rigal est docteur en théologie, et prêtre du diocèse de Rodez (France). Une trentaine d’années (et une quinzaine d’ouvrages) séparent l’œuvre de synthèse qu’il nous offre aujourd’hui de son premier essai sur le sujet « Une foi qui tient » paru chez Centurion en 1977. Il fut professeur à la Faculté de Toulouse pendant un quart de siècle. Pourtant, c’est le sociologue plus que le théologien qui séduit aujourd’hui. Il écrit :
« Au-delà des statistiques toujours sujettes à interprétation, on doit reconnaître que l’institution Eglise a perdu de son influence, ce qui est particulièrement sensible dans le domaine social et politique et plus encore dans celui de la morale privée.(…) On relèvera par ailleurs que le nombre d’adultes qui demandent le baptême ne cesse de croître (près de 3.000 en France en 2006), qu’il n’y a jamais eu autant de chrétiens prenant des responsabilités dans l’Eglise.(…) Un proverbe africain conviendrait ici assez bien : « Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse ».

Entre deux constats, le théologien donne une certaine liberté à sa plume.


« On a souvent dénoncé les fausses images de Dieu : le dieu bouche-trou ou utilitaire, le dieu de la peur, le dieu indifférent à la souffrance, le dieu de la justification, etc. Comment ne pas évoquer le « grand horloger de l’univers » dont parle Voltaire, en réalité un Dieu « fabricateur » bien trop assimilé à l’homme. Le Dieu créateur n’est pas l’interventionniste qui régit, comme un mécanicien ou un ordinateur, les lois de l’univers mais « le Dieu qui porte le souci du monde »
Comme vrai berger de cette transhumance spirituelle, Jean Rigal prend le temps de s’asseoir le long du chemin, et il cueille des mots tous neufs, des coquelicots sémantiques parfois surprenants. Il se laisse inspirer par les méditations qui passent. La Dernière Cène lui suggère des images de « tables ». Il faut « ouvrir les tables. Ouvrir la table de la parole, celle de l’Eucharistie et celle de la Fraternité » Et puis, il sait se relever brusquement pour ramener au troupeau l’une ou l’autre brebis affolée par la fin du voyage. Il lui parle de la résurrection. Mais non, ce n’est pas ce qu’on nous racontait jadis…
« C’est tout l’homme, cher et esprit qui meurt et c’est tout l’homme qui ressuscite. (…) La vie éternelle est la naissance à une vie autre, et au total, une nouvelle création, le don gratuit du partage de la vie même de Dieu.. »
Merci pour ces mots cueillis comme des fruits délicieux dans cette transhumance de la foi. Pour le fond et les droits d’auteurs on consultera l’apôtre Paul. Peu cité dans cet ouvrage, il en est l’épine dorsale. Et personne ne s’en plaindra.
 

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