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André Wénin, La Bible ou la violence surmontée

2 juin 2014 | resena
André Wénin, La Bible ou la violence surmontée

Recension de André Wénin, La Bible ou la violence surmontée, par Guido Van Damme, op

André Wénin, La Bible ou la violence surmontée, Desclée de Brouwer - Le Thielleux, Paris 2008, 253 p.

BIBLE : pourquoi toute cette violence ?

Le « Wénin » qui vient de paraître sous le titre « La Bible ou la violence surmontée » devrait normalement faire le bonheur des centaines de petits groupements (fraternités au sein des grands Ordres religieux, groupements paroissiaux, cercles d’étude biblique…) qui, depuis le Concile de Vatican II, contribuent à donner un sérieux coup de jeune à la théologie. Ce n’est point que la Vérité aurait changé de cap, mais les mots humains qui la traduisent ambitionnent de mieux s’ajuster au langage de ce troisième millénaire. Et l’auteur joue cette carte dès le début de son essai :

« Une vision réaliste de la Bible lue dans son ensemble contribue à déconstruire les images que nous en avons et les images de Dieu que nous en tirons. Elle permet aussi à d’autres images d’émerger : elle n’est pas un livre de vérités religieuses, mais un livre qui reflète la vie des humains et leur histoire ; son Dieu n’est pas un "pur esprit" mais un Dieu qui s’implique corps et âme dans l’histoire, sans peur de "se mouiller", de se compromettre, même avec ce qui sème le malheur. »

On ne présente plus le théologien André Wénin, professeur à Louvain-la-Neuve. Ses ouvrages, notamment L’Homme biblique et Joseph ou l’invention de la Fraternité sans oublier son plus récent D’Adam à Abraham, font autorité chez les biblistes. Ajoutons, vu du côté des lecteurs, que ses livres adoptent à la fois le style journalistique le plus agréable à lire et les méthodes les plus strictes de la « lectio divina ». Parfois, son approche des textes sacrés fait songer à la façon de travailler des écrivains d’icônes qui, par touches successives vont du plus sombre au plus lumineux. Exemple : la manière dont il présente dans le présent ouvrage l’histoire de Joseph et de ses frères. Au chapitre « Au-delà de la violence, quelle justice ? », il nous livre d’abord le fait divers mettant en scène ce pauvre Joseph vendu comme esclave par ses frères. Vingt pages plus loin, on retrouve Joseph comme exemple de la lutte contre la convoitise humaine. Puis trente pages plus loin encore, en une troisième évocation, il nous situe Joseph comme point central du devenir difficile de la fraternité. Et pour y parvenir « il doit trouver la voie d’une parole juste entre eux et lui ».

Trouver la parole juste est le souci permanent d’André Wénin dans le labyrinthe qu’il suit pour « traverser » la violence contenue dans la Bible. Les pièges sont nombreux : ceux de la convoitise, ceux de l’idolâtrie et toutes sortes de « dé-figurations ». Car, il le dit avec netteté : « tout ce qui est dit de Dieu – notamment en rapport avec la violence – relève de la représentation ». Alors, Dieu dans tout cela ? Comme on dit dans une série télévisée.

« Dieu ouvre aux humains une sorte de laboratoire où il est possible d’expérimenter la violence pour pouvoir en observer les ressorts et les mécanismes, pour apprendre à en mesurer les conséquences, et prendre conscience de ses probables dérives.(…) Ainsi, dans le premier Testament, sont esquissés des chemins pour tenter de faire échec à la violence, non sans la justice mais au-delà d’elle, par une justice plus juste et plus sage. »

Un des plus beaux exemples de cette stratégie divine est sans doute le « chant du serviteur souffrant », l’extraordinaire poème (Is 52, 13 - 53,12) du prophète Isaïe qui « dévoile avec force, au-delà d’une justice humaine tantôt défaillante, tantôt violente, une justice propre à Dieu, qui touche au cœur du violent pour le transformer et le détourner de ce qui le rend violent. »

Dans la suite de son essai, André Wénin en revient à un ton et à une écriture d’une plus légèreté pour évoquer des chemins de bonheur et d’espérance. Par rapport aux docteurs de la loi du premier Testament, il a évidemment l’avantage de « connaître la suite » du livre sacré. C’est donc avec bonheur et compétence qu’il prolonge ses exercices par la Bonne Nouvelle :

« Le Nouveau Testament, écrit André Wénin, est tissé de relectures du Premier. Pour comprendre Jésus et son œuvre, les premiers chrétiens ont scruté leurs écritures qui étaient celles d’Israël. A partir d’elles, ils ont découvert à la fois la profonde continuité et la rupture radicale entre la première alliance et la nouvelle, scellée en Christ. C’est donc naturellement qu’ils sont allés puiser dans les textes des Ecritures d’Israël des mots, des images, des récits typiques à même d’exprimer leur foi en la résurrection de Jésus et ce qu’elle représente pour ceux qui adhèrent à sa parole. »

On trouve ici une occasion de refaire ce long chemin biblique, en compagnie d’un guide de qualité.

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