DOMUNI UNIVERSITAS

« La terre en Palestine/Israël. Une vérité à deux visages »

14 juillet 2017 | resena
« La terre en Palestine/Israël. Une vérité à deux visages »

Interview du Père Patrice Sabater, auteur de « La terre en Palestine/Israël. Une vérité à deux visages » publié chez Domuni Press.


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Le Père Patrice Sabater a écrit « La terre en Palestine/Israël. Une vérité à deux visages » publié chez Domuni-Press et ICT en mars 2016.
Il nous raconte la naissance de ce véritable plaidoyer à l'altérité, à mettre entre toutes les mains.

Pourriez-vous nous raconter comment vous avez commencé à écrire ?


Pour commencer à écrire un ouvrage, j’ai besoin de sentir la nécessité de dire quelque chose, de le dire avec mes mots. Ces mots, pour moi, doivent être le fruit d’une expérience, d’une nécessité intérieure. Ai-je vraiment quelque chose à dire ? Quelque chose qui ne soit pas déjà dite, et si tel est le cas, je me pose la question de savoir ce que je vais proposer comme nouveauté, approfondissement, valeur ajoutée.
Pour ce qui me concerne, j’essaye de me cantonner à une écrire qui soit en référence avec l’Orient en général ; et plus précisément avec l’Orient chrétien. Bien naturellement en abordant la question de l’Orient, nous débordons sur des thématiques qui lui sont associées et/ou corrélées directement ou indirectement. Pour ce faire, j’ai besoin de m’inscrire dans un environnement pour que « quelque chose vienne à l’idée ». Je lis. Je prends des notes. Je regarde des documentaires. J’écoute des émissions de radio. Je suis attentif à l’actualité évènementielle et à l’activité littéraire dans ce domaine particulier. J’écris, du reste, régulièrement des recensions d’ouvrages. J’interroge très souvent… Et, surtout au cœur de cette expérience dont je parlais précédemment, je regarde… Je me fais ma propre idée. Qu’on le veuille ou non, nous sommes tous piégés par ce que nous sommes. Notre relation aux faits, aux gens, à l’histoire qui se vit, à la compréhension que nous en avons passe automatiquement par le tamis de ce qu’est l’auteur, de son histoire, de ses batailles intérieures ou de ses prises de position au cœur de la Cité. Pour autant, chacun essaye de narrer avec justesse les faits tels qu’ils sont.
Je n’ai pas commencé à écrire de moi-même. Je pensais que n’avais rien à dire, et que de toute façon de très nombreux auteurs avaient déjà écrit de nombreux et solides livres sur ces sujets. Ils étaient, selon moi, bien plus spécialisés et compétents ! Je me suis laissé faire. Je me suis laissé porter et guider par ceux qui estimaient que j’avais quelque chose à produire, à dire, à proposer en raison de mon histoire, de mon expertise – si petite soit-elle - ; et surtout de mon expérience. J’en ai accepté l’idée.
Mon écriture est laborieuse. Cent fois recommencée. Cent fois recommencée. Je vais. Je viens. J’écris et j’efface. Je remets en question ce que j’ai écrit hier ; mais j’essaye de rester autant que possible dans le sillon de l’intention première.

Comment savez-vous, décidez-vous qu’un manuscrit est achevé ?


Je crois qu’il n’y a pas de réponse prédéfinie.
Si l’écriture est personnelle, elle est aussi le fruit souvent d’une collaboration en lien avec son éditeur mais aussi avec des amis, des lecteurs avisés et spécialisés…; et également avec celui qui corrige, qui annote. Cette collaboration est une aide précieuse pour moi dans l’écriture du manuscrit qui peut être abscons, touffu, incompréhensible, mal amené ou trop long et mal équilibré. Cette approche me permet de faire le point sur le chapitre ou sur la partie terminée. Ecrire, c’est laborieux. Je crois qu’il ne faut pas avoir peur de prendre du temps, de rayer, de griffonner, de recommencer, d’exprimer à nouveau ce que l’on veut dire jusqu’à arriver à cette fine pointe pour que le lecteur comprenne bien. Je dis cela et pas autre chose. Si je le dis, je l’explique, et je l’amène jusqu’au terme… L’écriture est une école d’humilité et de patience.
Lorsque j’écris, je n’ai aucune idée de la longueur du manuscrit, et de la forme que cela va avoir. Cependant, l’auteur est souvent tributaire des exigences de son éditeur en raison des pages qu’il souhaite publier, du genre, et du public à viser. Est-ce un travail universitaire ? Est-ce un essai ? Cet opus rentre-t-il dans l’esprit de la maison d’édition ou de la collection ? Autant de questions et de points dont on doit tenir forcément compte. Cela nous oblige… , et dirige notre travail ainsi que notre écriture selon le public visé et le sujet abordé.
À chaque moment, je vérifie la forme et le fond de ce que je souhaite dire. Je vérifie l’avancée de mon travail en fonction du plan que je me suis fixé, et qui sera la table des matières de l’ouvrage. Je mesure également les longueurs intérieures, les équilibres internes, les faits rapportés, ainsi que les notes de para-critiques. Lorsque le tout est terminé, je le propose à la lecture d’un ami avisé et spécialiste. Nous examinons ensemble si ce qui était visé est arrivé à son terme. Là est la patience, car souvent, il faut reprendre… Là est l’exigence intellectuelle !
Ainsi, après des mois d’écriture, de relecture et de correction l’ouvrage que je voulais proposer est prêt. La question à ce moment-là est fondamentale. Est-ce que j’ai dit ce que je voulais dire ? L’ai-je dit clairement ? Ai-je accompli le contrat intérieur ? Qu’en pense l’éditeur… ? La confluence de tous ces passages autorise à penser que le manuscrit est achevé, et qu’il peut être proposé à l’édition. La course de fond est enfin terminée. Le jour où je reçois le livre entre mes mains est un grand jour. C’est une naissance !

 


Quelles sont vos sources d’inspiration ?


Je crois qu’il y a des choses que l’on ne peut expliquer de façon rationnelle sinon par l’expérience singulière de motions intérieures. Il me semble que ces demeures intérieures qui motivent mon écriture ou mon envie de transmettre un message, de témoigner d’une certaine nécessité à dire les choses se résument autour de l’idée de l’Orient… Comme le vent discret d’un matin de juillet qui me transporta d’une façon unique… Il apportait quelque chose de nouveau, d’inhabituel… Un je-ne-sais-quoi ? Ce quelque chose d’imperceptible que l’on ne peut définir, que l’on ne saurait expliquer véritablement. Une atmosphère, une ambiance qui fonde et organise sans doute tous les secrets… J’étais assis depuis le tertre de la Maison d’Abraham, et je regardais la Ville Sainte. Je me laissais envahir non seulement par ce que mes yeux à peine ouverts voyaient, mais tout simplement par les premières odeurs, les premiers parfums qui montaient des collines de Juda… Cette brise légère, et déjà chaude, m’enveloppait doucement. Nous ne faisions plus qu’un. La Ville que je contemplais me regardait, elle aussi. Qu’y a-t-il entre toi et moi, pensai-je ? Depuis des siècles, tu te laisses regarder par nos yeux inquiets, fascinés, admiratifs. On se déchire pour toi violemment comme une mère se bat pour protéger ses enfants, ou le jeune homme rugit comme un lion pour garder sa fiancée. Tu nous entraînes dans les replis de tes longues et lourdes années : temps des incertitudes, des guerres, des conquêtes. Tu gardes en tes murs les secrets, les peurs et les joies de tous ceux qui ont cru te saisir à jamais… Tu es Sainte, Sacrée, mise à part, différente, envoûtante… Plus on te regarde, plus on veut percer ton secret plus on perd le sens commun ! Nous étions trois séminaristes fascinés par cette étrange beauté. Aucun d’entre nous ne parlait. Le silence était notre communion. On sentait l’émotion monter. La poitrine de l’un d’entre nous se soulevait juste un plus qu’à l’ordinaire pour essayer de respirer. Un long soupir en guise d’acquiescement venait signer cette photo éternelle. Nous étions, enfin, à Jérusalem !!!
Premières heures du jour, et déjà, on entend les premiers coups de marteau du ferronnier qui claque sur la masse. La ville s’éveille. Le boulanger enfourne les manouchi au fromage ou au thym, les premiers khebez (pain plat oriental sans levure de forme arrondie). On sent distinctement l’odeur du zaatar (le thym)… Chacun s’active. Mille et une occupations dans ces rues étroites et dans les dédales du Quartier musulman. Déjà, la Porte de Damas s’anime tandis que la patrouille veille… Mêmes occupations, ou presque, depuis plus de 2000 ans. Chaude sensation d’un matin ordinaire au Levant ; ici, en Orient !!! On se presse dans la Jérusalem du vingtième siècle… Les uns vont au travail. Les autres s’appliquent à répondre aux obligations rituelles à la Synagogue, au Mur Occidental ou à la Mosquée. Dans le tumulte du matin qui s’éveille, on entend le tintement d’une cloche. Elle est bientôt rejointe par deux autres. Elles appellent les chrétiens à la prière, à la messe. Cloches qui résonnent derrière les murailles, tandis que les notes du muezzin convoquent les fidèles au Nom d’Allah miséricordieux… Tout se confond dans une savante et mystique intrication. Tout se concentre… Tout à l’air de converger ; et pourtant, chacun connaît, ici, par cœur la dure réalité du quotidien… Des paroles éternelles à nos oreilles nous échauffent les sens. Le soleil qui darde les murs réchauffe notre cœur, les parfums concentrés de ce début de journée mobilisent tous nos sens. Tu es belle, Ô Sion ! Jérusalem ! Yerushalaïm ! Al Quds !
« Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche annoncera ta louange… ». Ce sont les premiers mots de la prière des Laudes… Les Séminaires de France ont l’habitude d’organiser durant trois semaines en juillet une session « archéologique et biblique », en Terre Sainte. Nous étions environ une trentaine de jeunes impétrants de diocèses et de Congrégations religieuses différentes. Nous étions assis sur un banc de pierre pour louer Dieu, le Maître de la Création, pour le remercier et contempler les bontés de sa Grâce.… « Venez crions de joie pour le Seigneur, acclamons notre Rocher, notre salut ! Allons jusqu’à Lui en rendant grâce, par nos hymnes de fête acclamons-le ! ». (Psaume Invitatoire) C’est à peine si nos lèvres tout juste décollées après une nuit chaude d’été, arrivaient à « publier la louange du Seigneur ». Au plus profond de mon cœur monte en moi la prière du judaïsme et de tout Juif depuis des siècles. Une prière qui est une demande, une espérance, une conviction, une réalité… « Si je t’oublie Jérusalem… » (Ps 137). Le judaïsme de l’Exil, du désespoir et de la Shoah s’est souvenu dans sa chair et dans son âme de ce Psaume. Et nous, chrétiens aujourd’hui, avec nos frères Juifs, comment pourrions-nous oublier ce lieu de fondation qui nous tisse de l’intérieur ? Ces histoires personnelles où tout Homme peut dire qu’il « est né là-bas » ?
Ce matin de roses fait éclore un sentiment jamais encore ressenti. Je me sens pris entièrement par Toi, comme transporté comme dans un au-delà, à l’extérieur de moi-même. Je te regarde et je me donne à toi sans rien comprendre. Les choses que je croyais pouvoir maîtriser échappent comme l’eau filant entre les doigts. Tu accueilles mon trouble et tu ne dis rien. Apparemment, tu produis plus ou moins le même effet à mes deux compagnons de prière. Tu agis ainsi depuis des millénaires rendant fous tous ceux qui acceptent ce dialogue insensé, plein de délicatesse et de passion ; et tout compte fait plein de sensualité. Est-ce cela que l’on nomme le « Syndrome de Jérusalem » ? J’avais lu quelque part effectivement, qu’en tes murs chaque homme y était né… C’est ça. Il s’agit peut-être d’une naissance ou d’une renaissance ? Pourquoi me ferais-tu naître ce matin en cette Cité Trois fois bénie ? Nicodème était venu de nuit rencontrer Jésus. Je respire profondément désolé de ne pas mettre des mots sur des sensations qui me troublent. « Cœur qui soupire n’a pas ce qu’il désire », dit le dicton. La prière avance lentement. Je comprenais ce matin-là que ma vie pouvait basculer d’un moment à l’autre pour tes Murs et pour tout ce qu’ils renferment. Je naissais à autre chose… Confluences de nos origines multiples ? Dialogue entre Moïse et Jésus ? Qui pourrait le dire véritablement ? Ce que je crois, c’est qu’il y a toujours plus grand qui parle en nous et qui nous devance…
À Jérusalem, c’est l’Humanité tout entière et le Ciel qui se donnent sur Terre rendez-vous. Le Ciel a courbé son dos vers la Terre des Hommes par pure grâce, par compassion, par amour et par miséricorde… Je me souviens des versets du Coran parlant du Paradis…, fut-il celui réel et imaginaire de Al-Andalus ; aujourd’hui « paradis perdu » pour les musulmans qui le cherchent et le désirent encore… Tout se bouscule. Jérusalem, Ville Sainte où Jésus est mort et ressuscité ! Yerushalaïm, Ville Sainte de David et capitale indivise du Peuple d’Israël. Al Quds, « la Sainte » - troisième lieu de l’islam après La Mecque et Médine… Elle reçut la visite nocturne du Prophète Mohammed à la Mosquée Al Aqsa, « la lointaine » - (Sourate XVII, 1- Al-Isra). Ville du Sacrifice d’Ibrahim (Abraham)… Trois raisons de vivre et de mourir pour Jérusalem. Tout, décidement commence et tout se termine ici, à Sion !


Je me souviens parfaitement de ce matin-là. Tout était à sa juste place, mais dans mon cœur pointait déjà l’idée, l’envie, la nécessité, l’appel de venir un jour en Orient…, et pourquoi pas, me disais-je, dans la Ville Trois fois Sainte ?!? Depuis lors, je me suis intéressé de près et de loin à tout ce qui concerne le Proche et le Moyen-Orient, les différentes Eglises qui composent le Levant ; et bien sûr, les chrétiens Orientaux… J’ai accompli de nombreux pèlerinages et organisé de nombreuses conférences en France. Au fil des années, j’ai tissé de bonnes relations fraternelles et amicales avec des chrétiens orientaux en France et en Orient, avec des spécialistes du Proche-Orient. J’ai apporté mon soutien à des actions de solidarité envers les chrétiens Orientaux durant de très nombreuses années... J’étais à la fois si prés et si loin ! Le cri des chrétiens, le témoignage d’évêques et de clercs, l’appel répété des deux derniers Papes et des Patriarches à s’enraciner et à défendre la présence des chrétiens au Levant, le beau texte de Jean-Paul II et le Synode sur les Eglises orientales ont eu raison de moi. Les choses devenaient peu à peu évidentes. Il fallait les passer au tamis de la prière et du discernement. Ma vie s’orientait au cœur de mon ministère de prêtre dans un sens souhaité, désiré depuis longtemps… L’Orient !


Dans cet Orient rêvé, désiré, recherché il y a les Hommes et les Femmes de ces terres ancestrales. Visages qui laissent percevoir tout ce qui a coulé d’espoir et de plaintes pendant des siècles. Venir en Orient, c’est entrer dans cette dynamique de rencontre et d’incompréhension, se laisser dessaisir par ce qui échappe à notre pensée cartésienne. Se déprendre des certitudes, des perceptions enracinées dans notre être occidental. J’allais dire : ne plus savoir ! Oui, je ne sais plus où est le nord et le sud. Je ne sais plus ce qu’il faut penser, accepter, tolérer, proposer dans la vie de tous les jours, dans l’élan religieux et mystique, dans la compréhension géopolitique contemporaine. Il y a « un ailleurs » à découvrir, une façon d’être qui va façonner notre existence… Nouvelle. Ce qui est carré est peut-être rectangle, ou bien encore triangle ! La perception est toute relative comme l’est la beauté ou le Temps qui passe. Le Temps est tout à fait relatif en Orient… La vie et la mort qui se côtoient dans les rires et dans les larmes sont comme l’accent circonflexe au-dessus de la lettre : il pénètre au plus profond. Il marque comme le Khôl autour de l’œil de la femme ou de l’homme du désert, la marque d’une mystique qui se vit sans dire plus que nécessaire. Mais, comment se fait-il que persécutés, trahis, déplacés, meurtris, ils soient encore là ces orientaux, ces chrétiens pleins de courage, debout et fiers ?


Ecrire et vivre en Orient c’est partager une vie avec des hommes et des femmes, partager des utopies et des rêves, des pleurs, des espoirs pour obtenir une terre à l’instar des Palestiniens, vouloir vivre dans les limites d’un territoire ancestral en Israël, de vivre chez soi comme chrétiens sans être « expulsés et chassés de sa propre terre »… J’écrirai à l’avenir, et j’essayerai de comprendre au cœur de ce que je suis ontologiquement. J’étais, et ce serait maintenant une dynamique dans ma vie, un petit-fils d’émigrés ; un fils de migrant !
Ecrire sur l’Orient, c’est respirer autrement… C’est redécouvrir également la richesse du Talmud, de l’enseignement des Pères dans la foi (Rabbi Akiba, Rabbi Eliezer, Rabbi Gamaliel). C’est entrer dans l’esprit de la Torah. C’est suivre Jésus, comme étant désormais « la Torah nouvelle et éternelle ». C’est prier avec nos frères chrétiens de langue hébréophone et de culture hébraïque en Terre Sainte accompagnés par le Vicaire Patriarcal, le Père David Neuhaus, sj.

Mon Orient n’est pas celui de Chateaubriand ou de Lamartine. Il n’a rien de romantique ni ne suit aucun rêve et aucun idéal. Il n’est pas plus celui du très mondain et dandy, Lord Byron… Mon Orient est peut-être davantage celui du protestant britannique William Henry Barlett – contemporain de Lamartine poursuivant une dimension biblique et esthétique. Les gravures de Barlett sont peut-être ce qui me rejoindrait encore de plus profond en moi : un trait qui marque le temps sans en décider véritablement la durée – une impermanence, un Temps arrêté, suspendu… La Terre Sainte et l’Orient ne seraient-ils pas ces images intérieures qui nourrissent l’imaginaire monothéiste ? Dans la préface de « L’itinéraire de Paris à Jérusalem », Chateaubriand admet volontiers qu’il « (…) n’a point fait (son) voyage pour l’écrire ». Il poursuit : « J’avais un autre dessein (…) J’allais chercher des images ; voilà tout ». Chacun des dessins de Barlett fait désormais partie du patrimoine levantin. Son trait trace des liens entre l’Orient et l’Occident en mélangeant les sentiments et les architectures, les personnages et les ambiances. Il réduit les distances entre les deux rives de la Méditerranée. Mes impressions laudatives iront, je crois, davantage vers Monsieur de Chateaubriand que vers Monsieur de Lamartine. Le premier davantage « pèlerin » et, me semble-t-il plus en retenue ; le second sans doute s’inscrirait beaucoup plus dans ce que l’on nomme aujourd’hui « le choc des civilisations ». C’est toujours un peu décalé de rapprocher une dimension géopolitique d’un temps à un siècle qui le précède ! L’auteur du « Voyage en Orient » est laudatif quant à l’Islam réfutant l’idée qu’il puisse y avoir en Orient une quelconque persécution de chrétiens par les musulmans. Il se convainc d’ailleurs d’avoir des origines arabes dues à une « mésalliance » dira-t-il. Cela provoque un petit rictus dans la mesure où l’on connaît l’univers mâconnais dans lequel il naquit. Il rencontre un jour Lady Hester Stanhope qui lui narre ses origines arabes. Diantre ! « Vous retournerez dans l’Occident, mais vous ne tarderez pas beaucoup à revenir en Orient : c’est votre patrie. – C’est du moins, lui dis-je, la patrie de mon imagination. – Ne riez pas, reprit-elle ; c’est votre patrie véritable, c’est la patrie de vos pères (…) Vous êtes un fils de ces climats ». (p 145) À la lecture de ces lignes, j’essaye de faire un effort appliqué à la dimension de ma petite vie, je me demande si l’Orient est pour moi le fruit d’une imagination ou une empreinte radiculaire ? Je décide de croire que la perception est plus intérieure et profonde, et non mythique ou romantique. Lorsque l’on vit des siècles dans l’altérité culturelle et confessionnelle, il n’y a pas à s’inventer quelques origines puisque de fait, elles existent.
Un désir qui remonte à l’enfance comme celui d’Alfonse de Lamartine : « Ce désir ne s’était jamais était en moi : je rêvais toujours, depuis, un voyage en Orient, comme un grand acte de ma vie intérieure » (Lamartine, « Voyage en Orient »). L’Orient… !!! Un nouvel espace s’ouvre devant moi…

Quel message voulez-vous transmettre à vos lecteurs à travers votre ouvrage ?


La diversité et la complexité des situations au Proche-Orient, et tout particulièrement, en « Terre Sainte » ramènent sans cesse à la question de « la terre » lieu, somme et produit d’un conflit des imaginaires entre les trois religions dites monothéistes. Un espace sacré qui porte en lui-même les germes des représentations culturelles, théologiques et sociopolitiques. Nous sommes confrontés à une force symbolique prégnante qui empêche de trouver une solution durable… La « question palestinienne », et plus récemment le conflit israélo-palestinien, posent de façon récurrente la problématique de « la terre » pour ces deux peuples et ces trois religions : Terre Promise, rêvée, appropriée et disputée. Un conflit qui porte sur la Terre, mais aussi sur le Ciel et sur les mythes de l’Histoire, qui se caractérise par une charge symbolique d’une rare intensité mélangeant le sacré et le profane..., nous plongeant dans « la transhistoire » (Mahmoud Darwich). « Un conflit entre le Bien et le Bien, entre deux prétentions aussi légitimes l’une que l’autre au même pays. (...) Il ne s’agit pas là d’une controverse théologique, culturelle, d’un désaccord entre deux traditions, mais d’un simple conflit immobilier quant au véritable propriétaire de la Maison » (Amos Oz)
La question ne date pas d’hier, et il nous faut revenir aux sources bibliques pour en vérifier la profondeur, la portée et l’imaginaire qui s’en est nourrit dans chacune des traditions religieuses à commencer par le geste d’Abraham ; figure aboutie de l’Exil et Père de cette Terre promise pour lui et pour la multitude. Si Yahvé promet une terre, il ne promet pas qu’elle sera donnée ou offerte sans effort, sans mandat, et en tout cas sans que la foi soit à la source du don. Trois paroles mettent en mouvement Abraham. Voilà toute l’Humanité, qui avec lui, est engagée dans une marche des Origines. La « terre » dont il sera question, la réponse des témoins et des acteurs bibliques donnera une portée universaliste à cette quête de l’Homme de s’établir sur le lieu de l’Alliance. La marche sera longue, et il faudra de nombreux protagonistes qui répondront à Yavhé pour que son Projet d’Alliance et de Salut se réalise : Abraham, Moïse, David, ... Jésus-Christ. Pourtant, la réalité transforme les évidences trop abruptes en oubliant ce « fils aimé », mais mis de côté pour que n’existe qu’Isaac aux dépens d’Ismaël. Qui d’Isaac/Israël ou d’Ismaël pourra revendiquer cette « terre » à la mort du Patriarche ? Faudra-t-il vivre d’une façon renouvelée la dramaturgie célébrée entre Caïn et Abel ? Chacune des trois religions monothéistes, en prenant appui sur Abraham le Juste, Abraham le Croyant, défend de toutes ses forces et jusqu’à épuisement dans la violence ou la persuasion, sa vision de « la terre », du don sacré de celle-ci pour le bonheur de l’Homme. Nous sommes, donc ici, confrontés non pas seulement à une Histoire linéaire mais à la relecture que les religions et les cultures qui s’y rattachent en font depuis des siècles. Il n’y a pas simplement de la linéarité, mais la mise en mémoire et en construction de mythes fondateurs qui cherchent à asseoir la vérité pour le Peuple de l’Alliance (Judaïsme), pour le Peuple du « nouvel Israël » (verus israel), ou celui qui se constitue après l’Hégire en 622 sous la conduite spirituelle du Prophète Mohammed. C’est ainsi, que chacun pourra avoir une idée de lui-même et de son propre rapport aux Origines, à la sainteté de la Terre en faisant mémoire de façon personnelle et identitaire, de façon collective aussi à cette « Terre » de bénédictions. Que l’on se trouve dans n’importe quel pays du Proche-Orient et du pourtour méditerranéen, et même aux antipodes, la dimension sacrée et imaginaire qui provient de l’attachement foncier à la Terre biblique argumentera toutes les passions, les énergies, les théories, les crises identitaires, la volonté de conquérir et de garder comme un trésor ce qu’il estime lui revenir de droit. Le système religieux et la culture de chacun « mettront en musique » de façon particulière son rapport à la terre en y apportant différences, de divergence, points d’appui et similitudes... ; par exemple au Liban, en Syrie, en Egypte ou encore en Irak.


Mais, pour autant que l’on puisse le dire, le conflit qui nous intéresse ne s’attache pas à des raisons religieuses même s’il met en scène deux Peuples et trois Religions. Il faut, tout de même regretter, que la dimension chrétienne de cette crise géopolitique soit la plupart du temps oubliée, et que l’avènement de la Personne du Christ soit mis à distance ; voire confisqué. La foi en Jésus-Christ - né sur cette Terre oblige à considérer, avec l’Eglise apostolique naissante, le rapport à la terre dans un champ spirituel nouveau, un espace géographique déplacé ; et qui tout compte fait dépasse les frontières terrestres de quelques revendications que ce soient...


Aujourd’hui, pour comprendre « l’Orient (si) compliqué » ne faudrait-il pas croiser ces niveaux de lecture pour répondre à cette question : « Comment des mythes fondateurs – démocratiques ou religieux – sont aujourd’hui le passage obligé de la reconstitution d’un paysage politique » (Philippe Mesnard). « Au long de tant de siècles d’exil, qu’a donc été la terre d’Israël dans l’imaginaire juif ? » (JC. Attias) Ces imaginaires nous échappent, et pourtant, c’est à partir de leur compréhension que l’on pourrait comprendre ce qui est « au-delà du verset ». Que nous disent la Bible et le Coran de cette terre ? Quels imaginaires renvoient-ils ? Sont-ils des phénomènes culturels ? Religieux ? Tantôt l’un et tantôt l’autre ? Comment l’Homme de foi peut-il aujourd’hui en toute objectivité trouver en lui-même, et dans sa tradition religieuse, un commencement de réponse(s) ? Il ne s’agit pas seulement d’approcher les imaginaires juifs et musulmans, mais voir également comment « l’imaginaire chrétien » - à condition qu’il en existe un -, se situe entre deux idées qui s’articulent autour du sacré et de la terre…
L’Homme méditerranéen, servi par une Histoire bien mouvementée, se situe dans une approche binaire du Monde qui le plonge dans un « désenchantement » permanent, dans l’obligation d’exister tout en se comparant, affirmant ainsi son identité propre : identité d’appartenance en butte avec des modèles culturels en sans cesse évolution versée dans une fascination à la fois narcissique et empreinte d’émotions souvent incontrôlables oscillant entre l’espoir, l’humiliation et la peur. La dimension émotionnelle au cœur des conflits fait émerger des imaginaires profonds tant chez les musulmans que chez les juifs au point de plonger les différends géopolitiques dans des passions immodérées autour de prétentions territoriales, de puissance et de leadership. Ce qui dépasse le cœur de l’Homme et régit son affect l’enracine bien au-delà de notre temps contemporain, et il faut remonter aux Origines de la civilisation arabo-musulmane et judaïque pour en percevoir les données les plus lointaines et les plus profondes.


La Création de l’Etat d’Israël en est l’exemple le plus abouti. Elle renvoie, non seulement, aux sources bibliques mais à la nature même du Judaïsme dans son obligation interne de devoir « faire mémoire » loin de la terre et en même temps en relation avec elle. Néanmoins, si ce rapport est de nature consubstantielle, il n’en reste pas moins que ce lien n’a pas toujours été évident selon que l’on se place dans la lumière du Talmud, de la Halakha, dans le Hassidisme, et même au cœur du Sionisme naissant en Allemagne à la fin du 19ème siècle au sein de la communauté juive... Cette dernière idéologie portée essentiellement par la figure emblématique de Theodore Herzl a contraint la communauté juive d’une part ; et la communauté internationale d’autre part dans un temps historique très bousculé de prendre parti. Si les philosophies politiques et la montée de l’antisémitisme contemporain permettaient au rêve antique et permanent de se réaliser ; à savoir de retourner en « Terre Promise » (Eretz Israel), et que l’on ne peut pas affirmer que c’est la Shoah qui a déterminé cette volonté d’aller dans ce que l’on appelle encore à l’époque la « Palestine ». Cette idéologie naissante va prendre le temps, avec la complicité des britanniques, d’arriver à son terme peu à peu, de façon raisonnée et systématique à son achèvement. Elle inflige à l’Occident l’obligation de se constituer à la fois témoin, protagoniste fautif et coupable de ce qui s’est passé entre les deux grandes guerres mondiales. Une prise de conscience terrible qui marquera les esprits au point d’être quasiment tenus de perpétuellement être pris à défaut par chaque juif, penseur, ou victime de la Shoah. Il n’y aura jamais assez à faire et à dire pour « laver cette ignominie » (entretien entre Elie Wiesel et le Cardinal Jean-Marie Lustiger). Que faudra-t-il dire et faire pour que l'Occident puisse réparer en guise de rétribution et d’expiation ? Le Peuple palestinien serait-il tenu pour responsable indirect des méfaits d'actions qu'il n'a pas commis ? Le sol que les idéologues et les politiques sionistes les plus férus demandaient..., et la majorité des Juifs de l’Est qui avaient tout perdu devrait-il être transféré dans une « normativité » coupable et de droit ? La Création de l’Etat d’Israël, sous couvert de promesses des uns et des autres et de volonté de mettre en exergue un mythe national juif. Est-elle une réponse à Auschwitz ? Est-ce que cette tragédie instrumentalisée solde les comptes du deuxième conflit mondial ? Si la réponse est l’affirmative, qu’en est-il alors de ce Peuple de Palestine qui vit sur ces terres ancestrales ? La percée de l’idéologie sioniste fait éclore le nationalisme palestinien et le besoin de relire son Histoire marquée par le drame de la Nakba (1948), de mettre des mots sur l’exil et le refus du « Retour » sur les terres laissées et spoliées. Le Judaïsme l’avait déjà expérimenté en exil à Babylone et le Prophète Ezéchiel examinera sans concession la responsabilité collective d’Israël dans ces événements. Les Palestiniens y sont confrontés depuis 1948... Ce n’est pas rien d’être « réfugié », « exilé », de perdre ses racines, son environnement, son lien à la terre, d’avoir le sentiment profond d’être déraciné ! Ce n’est pas rien, non plus, de vivre sous les contingences dans les Camps palestiniens du Liban, de Syrie, de Jordanie dans le dénuement et dans la mémoire des événements tragiques ! Cette crise politique est une crise géopolitique certes, mais aussi une crise « affective » touchant la matrice de ce Peuple : sa terre, son enracinement, son identité et son Histoire. La montée en puissance de l’Etat d’Israël, son besoin de conquête – sa volonté affirmée d’ethnicisation, mettra non seulement la Palestine en coupe réglée ; mais aussi l’ensemble du Proche-Orient. En 1967, six jours seulement seront nécessaires pour que le Temps (de la Rédemption messianique) soit accompli. L’achat de terres, la judaïsation de ces dernières n’auront été que des étapes. Le Plan d’Ariel Sharon de judaïser Jérusalem, d’implanter des colonies et de créer le Mur (déjà pensé par le Likoud en 1923) ne viendront que surajouter au conflit avec pour toile de fond la montée des extrémismes religieux, la naissance politique du « Goush Emounim » en 1974 et du Parti « Israël Beitenou », en 1999.


Dans ces conditions géopolitiques et stratégiques anciennes et nouvelles à la fois, comment penser le rapport à l’Autre ? C’est à l’aune de cette question urgente que se dessinera une nécessité absolue, ou qui devrait le devenir, de penser le rapport de chacun à « sa terre rêvée ». Ladite appropriation ne saurait faire fi des exigences anthropologiques, psychologiques, et simplement humaines. Jusqu’alors le renvoi à l’Histoire séculaire du Peuple Juif et les événements de 1939-1945 suffisaient à motiver le devoir d’inventaire et de culpabilisation sur les populations européennes, mais aussi chrétiennes. Le temps de la victimologie et celui de la souffrance ne semble plus être des raisons suffisantes pour accepter les faits politiques posés par les Israéliens. À ce sentiment victimaire juif répond « comme dans un jeu de miroirs » la victimisation palestinienne laissant apparaitre à la surface le silence qui voudrait se dire (et qui ne le peut pas) au sujet de la Nakba, de la mémoire blessée, des terres perdues à jamais, de l’identité palestinienne non reconnue. Chacun campe sur ses positions en opposant des mythes fondateurs, une polysémie d’imaginaires qui n’arrivent pas à sortir du déni en vue d’un dialogue. Il entraîne tout au contraire une mise en question de la psychologie des uns et des autres, de l’affectif lié à son Histoire et à ses terres. Le conflit israélo-palestinien est donc bel et bien ancré dans une dimension binaire inconciliable aujourd’hui...


La présence des chrétiens au Proche-Orient, et pour ce qui nous occupe ici celle des Palestiniens, pourrait permettre de sortir de ce vis-à-vis endémique et inextricable rendant toute démarche difficile et inféconde. La position du chrétien palestinien eu égard au partage culturel et civilisationnel, linguistique avec le monde arabo-musulman permet d’ouvrir une brèche. Cette dernière n’est pas à considérer comme le seul moyen pour sortir de l’enfermement, mais est une possibilité en soi. Quelle que soit la religion à laquelle appartient le Palestinien, il a en partage son rapport privilégié et authentique à la terre, à la mémoire, à la perte de son identité. Il partage avec son frère une même arabité, un même destin. La figure du Christ vient se positionner dans le contexte de la foi à l’interstice des mondes chrétiens, musulmans et juifs. Que va-t-on privilégier ? Davantage la figure de Jésus le Galiléen, fils du Peuple d’Israël ? Ou lui préfèrera-t-on, comme Mahmoud Darwich, un Jésus en Croix symbole du Palestinien et de son Peuple, qu’il soit chrétien ou musulman Ou bien encore le Christ Jésus de l’Epître aux Hébreux ?
Le chrétien ne saurait être considéré comme un levier ou une roue de secours posée « entre le marteau et l’enclume » mais bel et bien un membre imminent de la communauté de Palestine/Israël. Dans ces conditions, nous nous poserons la question du regard chrétien sur cette Terre et sur ses Peuples, mais aussi la pertinence d’un dialogue porteur pour défendre droits et justice, la dignité d’une terre pour l’oriental et pour l’arabe palestinien. Pour cela, dans un deuxième temps, il nous faut poser les principes de ce qu’est cette terre empiriquement, dans la chair de chaque Palestinien. Quelle est la psychologie qui s’y rattache ? Dans un deuxième temps, c’est le discours chrétien à partir de la Théologie de l’Eglise catholique et ses évolutions qui peut nous aider à voir comment les chrétiens écrivent une Théologie pour l’Homme et pour la Terre, une Théologie de l’exil et de la migration, une Théologie de la solidarité en ayant un véritable engagement dans des actions foncières au bénéfice de la présence des chrétiens en Terre Sainte, à Jérusalem et au Proche-Orient ; c’est d’ailleurs un point d’achoppement avec l’Etat hébreu. Nous comprendrons, alors, de la sorte qu’elle est la position et l’engagement de l’Eglise catholique dans sa vision et son implication dans la résolution à ce conflit. Le lien qu’ont entretenu les derniers Papes avec les protagonistes de ce drame, les nombreux voyages effectués au Levant, et les documents publiés par le Saint-Siège ou leurs Patriarches orientaux permettent de poser les pierres d’un vrai dialogue entre les deux belligérants. Ce troisième acteur permanent dans le conflit devient un véritable partenaire, au point que le Père Jean Corbon pouvait dégager les principes d’une « Eglise arabe » héritière des temps apostoliques et qui devrait se nourrir de toutes les composantes identitaires et confessionnelles de ce pays et de cette région du Globe. Dans cette Eglise, les Palestiniens sur leurs terres ancestrales ont un rôle de « témoins évangéliques » et de « ponts ». Cette Eglise – dans ses composantes nombreuses et compliquées – demande à être reconnue comme telle par les uns et par les autres, à être déclarée comme personnalité morale et juridique, et comme les fils blessés d’une terre blessée, appropriée par le jeu du Droit et de la violence au grand dam de la population arabe. Il faudra décider de rester ou de partir, de vivre la solidarité arabe et de faire exister le dialogue (éclairer les équivoques et écarter les idées fausses et préconçues) avec l’Etat d’Israël pour que chacun trouve sa juste place sur cette Terre que Dieu lui a donnée ; et cela reste pour le moins un vrai dilemme et un vrai défi au cœur de conflit « entre deux causes justes » (Amos Oz). La Terre au Proche-Orient pourra-t-elle vraiment – enfin – vivre un temps de grâce, de répit et de paix donnant à chacun selon la justice ?


Notre parcours suit les courbes de ce long processus d’incompréhension, d’accumulation des rancœurs, de tentatives d’humanisation dont chacune des parties constitue comme dans un puzzle, la trame et les éléments qui évoquent et expliquent le rapport de « l’homme proche-oriental » à sa Terre. Le conflit israélo-palestinien ne fait que raviver cette quête de sens, cette volonté de demeurer là où l’Histoire ou les histoires ont mis chacun d’entre eux Juifs ou palestiniens. C’est ainsi que se dessinent les traits, se dévoilent les marqueurs attachés à cette dramaturgie et à cette tragédie contemporaine.


La question reste ouverte : la Paix. C’est le seul chemin véritable pour que ces deux peuples puissent se parler, à défaut de s’estimer. Se parler comme des personnes responsables qui recherchent véritablement la justice pour qu’une réalité respectant les deux parties puisse être porteuse d’avenir. Réclamer la paix est une chose, mais désirer véritablement la paix, c’est autre chose. Quelle est la partie qui désire cette paix plus que tout en respectant l’autre ? La poursuite de la colonisation la favorise-t-elle ? Cette dramaturgie ne semble pas réunir tous les facteurs nécessaires pour œuvrer à la concorde, au moment où l’Irak et la Syrie sont en voie de retrouver peu à peu, et faut-il l’espérer le plus tôt possible, une normalisation après presque six ans de guerre. Sera-t-elle la prochaine explosion à retardement d’un conflit qui n’en finit pas d’agiter les parties et les chancelleries ? Ou, trouvera-t-on, enfin, les moyens efficaces d’y mettre fin pour avancer ? Les chrétiens, pour leur part, auront-ils un véritable rôle significatif à jouer ? Le dialogue entre les parties peut-il véritablement trouver un nouveau départ ? Tout est l’enjeu de la nouvelle donne géopolitique du moment, et pour les années à venir, sur ce nouveau damier au Levant où s’essayent les puissances régionales, les pays occidentaux ; et parmi eux en première ligne, l’administration Donald Trump et le maître du Kremlin…


Tous « les possibles » restent ouverts…


Patrice Sabater, cm
le 9 juillet 2017
 


Le Père Patrice Sabater, cm, a vécu plusieurs années au Moyen-Orient. Il a fondé l'association Béthanie-Lumières d'Orient pour permettre aux Chrétiens d'Orient de demeurer sur leurs terres, en soutenant des micro-projets auprès des plus pauvres, des exilés et des réfugiés.
 

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