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Voyage en Haute-Egypte Prêtres, coptes et catholiques

10 janvier 2020 | resena
Voyage  en Haute-Egypte Prêtres, coptes  et catholiques

Auteur: Catherine MAYEUR JAOUEN

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Catherine MAYEUR-JAOUEN nous présente aux Editions CNRS une très belle étude sur les Coptes, Voyage en Haute-Egypte - Prêtres, Coptes et Catholiques.

L’Egypte, ce grand pays d’Afrique, nous fascine. Son histoire se perd dans la nuit des temps, et nous ne connaissons de lui que la partie qui se rapporte aux Pharaons, à Cléopâtre, à l’expédition que fit le jeune Napoléon Bonaparte. Paris en porte la trace en divers endroits, et d’autres lieux encore. Les Pyramides… station du métro parisien ! Mais, en fait, nous ne connaissons pas grand-chose de ce grand pays d’Afrique si ce n’est qu’il vit dans une pauvreté structurelle et endémique depuis de nombreuses années. Il vit aussi des moments de crise en raison de difficultés politiques, d’attentats, de terrorisme ou parfois même de quelques « persécutions » vis-à-vis des chrétiens coptes. Le mot est d’importance car s’il y a bien un mot pour désigner l’Egypte c’est bien ce mot « Copte » ! Il provient d’une langue chamito-sémitique descendant de l'égyptien ancien et est dérivé de l'égyptien démotique ainsi que du grec ancien. C’est, en fait, le même mot qu'« égyptien » avec ses trois radicales consonantiques par l'Arabe écrit et parlé « aïguptios ». C’est ce même mot que l’on emploie pour désigner les chrétiens originaires de l’Egypte.

L’Église copte fut fondée, selon la Tradition, au 1er siècle (en 43 de l’ère chrétienne) par l’Evangéliste saint Marc à Alexandrie. Elle est marquée par le témoignage des premiers martyrs et par la diffusion du monachisme (saint Antoine le Grand, saint Macaire, saint Pacôme). Les Pères de l’Eglise y sont nombreux et très réputés pour leur sagesse, leur théologie et leur vie spirituelle. On compte parmi eux : Origène, Clément d’Alexandrie, Athanase, Cyrille d’Alexandrie... La persécution de l’Empereur Dioclétien fut tragique (en 284). Temps des schismes des premiers siècles, l’Église copte se séparera de la communion avec Rome et des autres Églises lors du Concile de Chalcédoine (en 451). En 536, une liturgie en langue copte est adoptée en Égypte. En 640, l'Égypte chrétienne passe sous le contrôle des armées arabo-musulmanes. Son destin bascule alors : les conversions à l'islam se font nombreuses ainsi que les persécutions. Les Coptes sont soumis au statut de dhimmi. Ce statut a duré jusqu'en 1856, date à laquelle l'Empire ottoman, leur octroie le statut de citoyens. Les Coptes font partie de la minorité de l’Egypte avec 10% de la population.

La grande majorité d’entre eux appartiennent à l’Église copte orthodoxe, tandis qu’environ 2,4 % appartient à l’Église catholique copte ; et seulement 1,6% à l’Église d’Éthiopie. Elle reste néanmoins la communauté chrétienne la plus importante du Moyen-Orient. Si la communauté copte orthodoxe est la plus importante, à ses côtés existe une communauté beaucoup plus petite rattachée à l’Eglise catholique. Le Patriarcat catholique est établi par décision du Pape Léon XIII en 1895. Depuis le 12 mars 2013, SB. Ibrahim Isaac SIDRAK en est le Patriarche. Il succède au Patriarche Antonios NAGUIB, et à deux autres grands Patriarches issus de la Congrégation de la Mission/Lazaristes (Patriarche SIDAROUS et le Patriarche GHATTAS).

C’est donc de cette Eglise que nous parle Catherine MAYEUR-JAOUEN tout au long de 416 pages. C’est la première fois qu’une synthèse historique, sociologique et anthropologique est menée sur cette thématique. L’Egypte et ses chrétiens ne lui sont pas inconnus puisqu’elle a vécu dans le pays et y a travaillé ; en particulier au Séminaire de Maadi (Le Caire) comme professeur de français. En 1989, elle y prépare une thèse sur le saint musulman ­Al-Sayyid al-Badawi (1200-1276)­. Spécialiste de l’islam populaire, professeur d’Histoire contemporaine à La Sorbonne, arabisante, elle nous dépeint une communauté orientale peu connue en France. L’auteur connaît donc l’Egypte de l’intérieur… Elle a partagé le quotidien des séminaristes, a rencontré les prêtres et des communautés de chrétiens, des religieuses en Basse Egypte ; mais aussi dans la région la plus pauvre du pays la Haute-Egypte.

Elle nous décrit la vie humble et pauvre de ces communautés coptes-catholiques démunies de tout mais obstinées dans une riche espérance et de leur foi millénaire. La pauvreté et la simplicité de ces chrétiens qu’elle narre avec délicatesse nous rendent sensibles à cette vie cachée et humble. Elle nous rapporte le travail pastoral et social des prêtres qui, au cœur de la communauté, sont les plus nantis intellectuellement. Ils sont l’âme de la communauté, la référence et le pont nécessaire pour repartir et aller sur l’autre rive… L’éducation reçue est au service des communautés en des domaines très variés : l’éducation à la vie et l’apprentissage des matières académiques, la promotion de la femme, le respect de la personne dans ses besoins les plus élémentaires (alimentation, santé, dignité…), la recherche en commun de la justice et du respect envers l’autre (dialogue avec les coptes orthodoxes et avec les musulmans, rencontres, résolution des conflits intra et surtout extra-communautaires…), insertion sociale des jeunes. C’est le travail de l’Eglise entière (évêques, prêtres, laïcs, congrégations religieuses féminines).

La communauté des chrétiens d’Egypte vit aujourd’hui la désillusion des lendemains qui ne chantent pas aussi bien et aussi vite qu’ils auraient voulu, du fait des complications politiques, des retards, et de l’économie vacillante. Le Printemps arabe n’a pas apporté une vie meilleure dans la plupart des cas. L’Egypte reste en attente… Confiante, encore combien de temps ? Mais pour finir, laissons la parole au préfacier de ce livre, Robert SOLE, grand connaisseur de ce beau pays : « L’empathie que Catherine MAYEUR-JAOUEN manifeste pour les coptes-catholiques et les Egyptiens en général ne l’empêche pas d’aborder sans détour des situations délicates ou des questions qui fâchent. Voyager en sa compagnie dans la Vallée du Nil n’est pas seulement très instructif : c’est aussi un vrai plaisir ! ». Un beau livre à offrir en ces temps de préparation à Noël !

 

Patrice SABATER,

 

Catherine MAYEUR-JAOUEN. Voyage en Haute-Egypte. Prêtres, coptes et catholiques. Préface de Robert Solé. CNRS Editions, Paris 2019. 416 pages. 26 €.

 

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