DOMUNI UNIVERSITAS

Le nom dit

6 avril 2021 | resena
Le nom dit

Auteur: Jean Louis Meylan

Notes de lecture de Michel Van Aerde, Avril 2021

 

Le nom dit

Jean Louis Meylan, L’harmattan, 2020

Notes de lecture de Michel Van Aerde, Avril 2021

Un titre énigmatique pour un roman qui ne l’est pas moins car, pour être philosophique, il pose de nombreuses questions sans prétendre en résoudre aucune. Il faut lire avec les yeux et les oreilles pour entrer dans les jeux de mots qui font sens. L’imprononçable, auquel fait référence explicitement la toute première citation de l’Exode, est ce « je » si difficile à dire quand les prérequis n’ont pas été reçus, quand l’affection et la reconnaissance minimale ont été refusées. L’inaccompli cherche à s’affirmer en Paul, le personnage principal du roman. Un vide s’est installé, qui n’est pas seulement celui du manque structurant toute personnalité, mais bien le résultat d’une enfance blessée, impossible à cicatriser. « Le vide est dur », dur à vivre. « Il faut éviter de coller un sparadrap sur les plaies de l’esprit »[1]. Paul est psychothérapeute mais il a, tout autant que ses patients, besoin d’être écouté. Ceux-ci d’ailleurs, comme la petite Claire qui est autiste, sont parfois ceux qui le comprennent le mieux. « Les poètes disent ce que nous ne voyons pas. Et Claire m’a dit un millier de choses en quelques secondes »[2]. La rencontre amoureuse est aussi une thérapie mais pour qu’elle puisse aboutir, il faudrait que l’on soit déjà guéri. Peut-être qu’il en faut donc plusieurs ? En attendant cet improbable, on essaie « d’arracher à l’existence son sens le plus profond »[3].

L’écriture est sensible, poétique. Elle est précise. « Une parole en l’air s’oppose à une parole en terre qui a besoin de s’enraciner. La terre, le germe et enfin le fruit, voilà ce que signifiait réussir sa vie »[4]. Elle est concise, elliptique :

« - Monsieur, monsieur, votre médicament ?

Paul se retourna, surpris :

- Je n’en ai plus besoin. »[5]

Les paradoxes ne manquent pas. « Le blanc dépersonnalisait. La souillure permettait de marquer le territoire. »[6] Le langage dit l’inconscient. « Parfois le vrai ment (…), il est trop tôt pour le comprendre »[7]. Il se trouve des perles, comme encore celle-ci « Pourquoi dit-on demeuré ? Un sans domicile fixe et un demeurer peuvent très bien faire alliance. Et finalement nous sommes tous habités par un demeuré sans domicile… Nous sommes tous des demeurés inhabitables »[8].

Dans ce livre, on vit des états de conscience modifiés, comme par temps de canicule ou lors de certains traumatismes. Le temps s’arrête et le personnage lui-même se retrouve figé, comme la femme de Loth punie de regarder en arrière, « de ressasser son passé et de vouloir le conserver pour y trouver une place ? » Paul veut « cristalliser son passer », ce qui est « une illusion. Ce qui donne de la saveur à la vie, c’est le sel. Il doit se fluidifier comme mon histoire.[9] » Il ne faut pas avoir peur de perdre son temps, de perdre sa vie, pour la trouver ! « On assume son ignorance et on laisse la Vérité grandir »[10].

Voici un livre qui nous parle de Paul, qui nous parle de l’auteur, qui nous parle de nous. Il nous parle du Je qui se révèle en parlant, qui se dit en créant.

___________________ 

[1] P.23

[2] P.26

[3] P.113

[4] P.38

[5] P.42

[6] P.61

[7] P.64

[8] P.84

[9] 115

[10] P.219

 

 

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