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La vie politique en Israël s’est nettement durcie et « droitisée » (sécurité, colonisation, privation de droits).

11 décembre 2019 | resena
La vie politique en Israël s’est nettement durcie et « droitisée » (sécurité, colonisation, privation de droits).

Auteur: Samy COHEN

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La vie politique en Israël s’est nettement durcie et « droitisée » (sécurité, colonisation, privation de droits). Les débats sont virulents et parfois même violents. Un vent nouveau souffle sur ce pays bien singulier…

La Gauche israélienne et le Camp de la paix, fragilisés et même en déclin,  sont aujourd’hui à la marge. Le rêve d’une Paix possible entre les deux belligérants serait-il définitivement une espérance déçue ? En règle générale, le Camp de la Paix est mal perçu. Parler ou soutenir de près ou de loin la « cause palestinienne » est assez impopulaire en Israël et dans la Diaspora. La méfiance est là et a grandi avec le temps et en raison d’actions violentes de certains groupes palestiniens. Se joue, ici, un imaginaire sociologique et psychologique. Les Israéliens ont peur et/ou sont déçus (des adhérents de Gauche aussi). Le regard qu’on lui porte est surtout négatif parce qu’il ferait « le jeu de l’ennemi », parce qu’il est défaitiste, parce qu’il conduirait à la disparition progressive de l’Etat d’Israël. En France, nous en souvienne, ce genre de propos a été également asséné en direction de Jean Jaurès et du Camp pour la Paix à la veille de la Première Guerre mondiale. Il est décidemment difficile de faire valoir des valeurs positives.

Le qualificatif pourtant ne convainc pas beaucoup d’Israéliens plutôt enclins à se voiler la face, à vouloir regarder ailleurs ; et surtout à ne pas savoir. Le Camp de la Paix les oblige à regarder la vie quotidienne des Palestiniens, la privation des droits, la multiplication des destructions d’immeubles, l’implantation outrageuse des colonies… Le dire n’est pourtant pas un signe de faiblesse mais au contraire de responsabilité. Il y a moyen de faire autrement, et justement ces « colombes de la paix » proposent une alternative en formulant d’autres choix. C’est ce que l’auteur voudrait mettre en exergue ici en essayant de dresser un tableau de ces organisations, de leurs choix et de leurs idéologies ; mais aussi en soulignant les écueils politiques, sociétaux et sociologiques qui ont conduit à son déclin.

Samy COHEN, dans son enquête publiée aux Editions Gallimard, se veut à bonne distance pour faire un état des lieux de ce camp. Il nous propose un ouvrage convaincant et riche : « Israël et ses colombes. Enquête sur le camp de la paix ».

On connaît, en France et en Europe essentiellement, le mouvement « La Paix maintenant »/ « Shalom Akhchav », né dans les années soixante-dix dans la foulée de la Guerre de 1967, et en réaction à l’émergence du Bloc de la foi et à la colonisation de la Cisjordanie (Territoires occupés). Le mouvement n’a pas toujours été dans les grâces du Premier Ministre assassiné, Yitzhak RABIN, le considérant à Gauche et trop militant. Or, lui-même voulait prendre de la hauteur et ne pas se laisser inféoder ni par les uns ni par les autres.

Le Camp de la Paix est divisé en plusieurs mouvements ; ce qui ne permet pas une homogénéité de la pensée, des actions à mener et à faire converger, ni même l’éclosion d’une action politique d’envergure. Le lien que ces associations ont entre elles est à minima. En essayant de ne pas parler de ce qui fâche et n’essayant pas d’avoir vraiment une vision commune, elles se contentent du plus petit commun dénominateur. La résultante à ce statu quo est que ces ONG n’ont pas un leader naturel qui porterait les couleurs de la Paix au nom de tous. L’espace associatif pacifiste est donc éclaté. Cet éclatement ne favorise pas non plus l’émergence d’un Chef naturel d’opposition qui pourrait être un challenger crédible lors d’élections générales. Aujourd’hui, la « Gauche israélienne », le Parti Travailliste et ses divers « alliés » ne sont pas prêts à régler d’une façon systématique et définitive le conflit israélo-palestinien. Leurs ambitions sont ailleurs…, très certainement plus électoralistes et plus immédiates que cela. Pour être juste, il convient de dire aussi que dans le camp palestinien les zones d’influences se neutralisent les unes les autres, et qu’une cacophonie ambiante empêche un vrai leadership. L’Autorité palestinienne est critiquée. La corruption est légendaire, et les atermoiements entre factions sont nombreux… Le temps est donc à la désillusion. Qu’en est-il des Accords d’Oslo ? De la création d’un Etat palestinien ? De la solution à deux Etats ? Qui pourrait dire de quoi demain sera fait… ? La Droite israélienne taxe la Gauche « d’irresponsable » et de menteurs. La situation paraît bloquée de toute part, et l’actualité politique du moment dans l’Etat hébreu ne fait que renforcer cette atmosphère.

L’auteur, Directeur de recherche émérite à Sciences Po, analyse point par point le déclin de ces ONG pacifistes qu’il regroupe en quatre familles d’appartenance : Peace Building et La paix maintenant, Forum des familles endeuillées, Les combattants pour la paix, ONG de défense des Droits de l’Homme, des membres de la société civile. Ces quatre groupes sont divisés pour des raisons idéologiques, politiques,  de sensibilité quant aux moyens à mettre en place, dans leurs critiques en direction du gouvernement.

Néanmoins, Samy COHEN, note « (qu’) alors que la Droite au pouvoir prend racine et que la gauche montre des signes de lassitude, on assiste à une prolifération de petites ONG de paix, d’une surprenante vitalité. Les plus remarquables sont les ONG de la réconciliation, qui affichent un dynamisme presque insolent. Dans un contexte de plus en plus difficile pour le camp de la paix, ces associations refusent purement et simplement de déposer les armes et poursuivent leur bataille pour la paix comme si celle-ci était à la portée de main. Elles défient les diagnostics les plus pessimistes sur l’état de la Gauche colombe ». (p. 191)

Ce n’est pas parce que la situation paraît sans issue qu’il n’y a pas de l’espoir à avoir, et surtout si les uns et les autres font montre de plus d’humilité. L’auteur en fin d’ouvrage ose l’affirmer : « Malgré un potentiel de bonnes volontés indiscutable, la galaxie des petites ONG fait preuve d’un égoïsme à désespérer les plus engagés et les plus fidèles militants de la paix. S’il est un conseil à leur donner, ce serait : « Colombes, unissez-vous ! » Parce que le camp de la paix doit continuer à jouer son rôle de porteur d’espoir, à faire entendre sa voix et protester. Parce qu’il représente le visage le plus tolérant d’Israël, que la Droite aurait tort de vouloir éliminer de jeu politique (…) Combattants, avocats, familles endeuillées, simples militants associatifs : l’écrasante majorité des colombes israéliennes est sioniste et de Gauche. Cette Gauche a servi son pays et lui a sacrifié ses plus belles années. Ces « guerriers de la paix » militent tous non pas « contre Israël » mais pour un « meilleur Israël ». Il serait pour le moins étrange de leur en dénier le droit ». (p 272) Tout est raisonnablement dit. Il ne manque plus qu’à lire cet ouvrage si intéressant parce qu’il s’agit simplement de la Paix, et qu’elle nous va si bien !!!

Patrice SABATER,

Novembre 2019

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