DOMUNI UNIVERSITAS

Golda Meir, la femme derrière la légende

20 avril 2017 | resena
Golda Meir, la femme derrière la légende

Dominique Frischer

Père Patrice Sabater, cm

 


Le sous-titre affirme bien de quoi il est question dans le livre de Dominique Frischer. On aurait presque oublié en regardant les photos de Golda Meïr qu’elle était une personne, une femme, qu’elle avait été immigrée... On la place davantage dans le panthéon des personnes à résonnance internationale et sur les marches de l’Etat d’Israël. Golda Meïr est dans l’Histoire. L’Histoire d’Israël, c’est l’histoire de cette « Dame de fer » - Premier Ministre en 1969 !
Qui était donc Golda Mabovitch, née le 3 mai 1898 à Kiev ? C’est ce qu’a voulu savoir l’auteur de cet ouvrage de 539 pages. Le nombre des pages dit quelque chose de l’épaisseur de sa vie. Tout commence par une photo montrant Golda Meir jeune femme... Ce cliché l’attire. Les archives déclassifiées de l’Etat d’Israël et les recherches d’historiens de la « nouvelle vague » ou de la « nouvelle histoire » lui permettent d’entrer en amitié avec Golda. Ce livre appelle à la familiarité avec cette jeune juive ukrainienne. Au travers des pages, l’auteur dévoile ses failles, ses motions intérieures, ses hésitations, son caractère trempé, son pouvoir de séduction pour arriver à ses fins. Elle insiste également sur son courage incomparable,  d’ailleurs comme beaucoup de juifs et d’Israéliens de cette époque ! Il y a de l’abnégation chez cette femme lorsqu’il s’agit de penser et d’aimer Eretz Israël.


On suit l’histoire de cette jeune femme avec intérêt. On entre dans les jeux politiques quand elle devient un élément important auprès de Ben Gourion, et lorsqu’elle occupe des postes de premiers plans. Elle marche... Elle écrit l’Histoire. Mais au fil des pages, il se dégage une drôle d’atmosphère, un « je-ne-sais-quoi »... On se prend au jeu. On aime tantôt Golda, et on s’étonne de la « détester ». Elle insupporte !!! Elle est dans l’excès. Elle attire les regards. Golda Meïr dans la salle, sur le pont d’un bateau, sur une estrade lors d’un meeting, et c’en est fait des autres. Elle occupe l’espace... On lit sa vie à travers les enjeux politiques et les faits marquants de l’époque qui rejoignent sa vie là où elle se trouve. Dominique Frischer, psychologue de formation, essaie d’expliquer l’enfance, la femme, le personnage politique en replaçant toujours Golda Meïr dans son contexte. L’auteur elle-même se laisse envahir par ses sentiments d’admiration et par d’autres « plus agacés ».


On comprend mieux la pertinence de certaines positions, de son intransigeance, de sa difficulté à maitriser parfaitement l’hébreu. Elle aurait d’ailleurs préférer que le Yiddish soit la langue de l’Etat hébreu... Ben Gourion lui rend un hommage appuyé en disant d’elle : « que si on écrit un jour notre histoire, il faudra y stipuler que c’est une femme juive qui a collecté l’argent qui a permis à notre Etat d’exister ». Elle est capable de tout ; et même de toucher le cœur d’un auditoire ! Le fondateur de l’Etat d’Israël dit aussi d’elle que c’était « le seul homme de son Cabinet ! ». Foncièrement de Gauche, elle reste en ce qui concerne la politique étrangère, de défense et de relations avec les Palestiniens et les Pays Arabes, un véritable faucon ! L’Histoire retiendra de cette femme hors-pair un caractère fonceur, en demi-teinte, entêté, ne sachant pas aller au feu sans brûler les étapes, respectant les conventions et les usages. On lui reprochera de n’avoir pas su éviter une guerre sans doute inutile, de n’avoir pas su sentir plus finement les enjeux impérieux pour Israël en vis-à-vis avec les populations palestiniennes et arabes. On la voit dans le film d’Elie Chouraqui « Ô Jérusalem » (octobre 2006) intransigeante, fière, désagréable, hardie, impatiente, impétueuse devant le roi Abdallah de Jordanie le 17 novembre 1947..., « soldat en marche » pour la Terre d’Israël. L’étude psychologique de la personnalité de Golda Meïr laisse entrevoir son mépris pour le peuple palestinien et sa négation, son manque d’ouverture et de curiosité. Elle ne veut pas savoir. Elle laisse faire les colons parce qu’ils accomplissent le rêve de Théodore Herzl, et le rêve de la jeune juive de l’Est.


Les limites et les faiblesses de « la Dame de fer » expliquent qu’elle est restée, en France principalement, une icône incontournable. Son visage de « grand-mère d’Israël » rassure. En revanche, son image en Israël s’est dégradée au fil du temps. Les Israéliens lui reprochent la guerre du Kippour (1973) dont elle porte en partie la responsabilité...
Ce livre est très intéressant à des titres et des degrés différents. L’auteur nous fait vivre avec son personnage. On est littéralement emporté, presque embarqué avec le flot des personnages, mêlant situations et retournements, marche intérieure d’une femme qui a soif d’exister, d’être devant et de mener... Merci à Dominique Frischer de nous avoir donné là un livre sincère et original.
PS

Crédit photos : RCJ

Dominique Frischer, Golda Meïr, la femme derrière la légende. Ed. L’Archipel. Paris 2015. 350 pages. 24,95 €.

 

 

Aller au lien