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José-Willibald Michaux, Traductions - Résonances

2 juin 2014 | resena
José-Willibald Michaux, Traductions - Résonances

Recension de José-Willibald Michaux, Traductions - Résonances, avec des calligraphies de Paula Defresne, par F. Ignace Berten, op

José-Willibald Michaux, Traductions - Résonances, avec des calligraphies de Paula Defresne, Éditions de Maredsous, 2011, 112 p.

Cet ouvrage se propose de faire goûter la saveur littéraire du texte biblique : quelques passages significatifs, très différents entre eux, sont ici traduits et commentés de façon, très originale et suggestive. José-Willibald Michaux nous dit qu’il nous livre ce travail comme « un essai de traduction amoureuse ». À qui s’adresse cet essai ? L’auteur le précise : « Celui qui ne connaît pas l’hébreu, mais qui, c’est un espoir, pourrait trouver en ces traductions de quoi désirer l’étudier avec ces textes. Et celui qui connaît l’hébreu biblique, mais qui, c’est un espoir encore, pourrait trouver en ces traductions de quoi discuter et éprouver ses connaissances au décours [au hasard serait plus correct ! IB] de ces textes ou des ‘notes de lecture’ ». La cible constituée par ces deux types de lecteurs se reflète dans la conception du livre : pour ceux qui ne connaissent pas l’hébreu, les mots hébreu sont translittérés, ce qui gênera peut-être un peu les hébraïsants avertis, mais ceux-ci goûteront sans doute davantage la portée des justifications linguistiques précises offertes par les commentaires.

Le livre se présente sous format A4 qui permet une mise en page aérée, soignée et très agréable, les pages de droite présentant la traduction, celles de gauche, en vis-à-vis, les commentaires. Chacun des passages bibliques retenus est accompagné et illustré d’une très belle calligraphie de Paula Defresne.

Une introduction développée et de caractère un peu technique met en valeur le génie propre de la langue hébraïque : importance de l’étymologie, du rythme, de la grammaire verbale tellement différente de celle de nos langues modernes. Que le lecteur non initié à l’hébreu ne se laisse pas bloquer par ces pages un peu difficiles. Qu’il passe éventuellement directement aux textes, qui à revenir ensuite à cette introduction.
Les commentaires justifient les choix traductifs et sont « de brèves indications vers un interprétation, sinon vers une méditation, du texte qui figure en regard ».

J.-W. Michaux nous présente d’abord la traduction du Cantique des Cantiques (déjà parue en 2004 : traduction amoureuse, disait-il), puis successivement Genèse 1 - 2,3 ; Psaumes 1 ; 1 Rois 19,8-21 ; Jérémie 20,7-18 ; Job 28,1-23 ; Ezéchiel 16,1-13 ; Proverbes 8,22-31, Qohéleth 12,1-8 et Isaïe 52,13 - 53,12. L’auteur ne justifie pas ce choix de textes ni son ordre. Sans doute nous laisse-t-il entendre que ces passages lui ont particulièrement parlé, mais aussi que, dans leur diversité, ils permettent de refléter la richesse variée de la langue biblique.

La traduction proposée par J.-W. Michaux est à la fois rigoureuse, parce que constamment justifiée à partir de la langue, et très libre, parce qu’elle cherche à suivre le mouvement du texte (marqué par différents symboles graphiques), ses harmoniques littéraires, sa qualité poétique. Un texte français, parfois un peu recherché, nous est ainsi offert à distance tant de l’ensemble des traductions courantes de la Bible que d’une traduction qui se veut toute proche du texte dans sa rugosité comme celle de Chouraqui.

Un exemple, les premiers versets de la Genèse (BeRéSHiTh) :


« En tête des temps - Dieux décide
l’altitude des cieux – et l’orbe de la terre.
La terre était vastitude – et vacuité, — et la confusion des ténèbres s’étendait sur la face du gouffre tourbillonnant.
Mais la Respiration de Dieux — couvait la face des eaux menaçantes.
Alors Dieux dit : – « Surgisse Lumière ! »
et Lumière surgit.
Et Dieux vit la lumière : – « Comme c’est réjouissant ! ».
Et Dieux distingua — entre l’éclat de la lumière – et la confusion des ténèbres. »

Le commentaire dit entre autres ceci : « éLoHiM : Dieux, forme plurielle à signification particulière : le verbe au singulier - décide - indique bien l’unité/unicité du sujet créateur. Le mot éLoHiM semble évoquer la totalité des énergies créatrices. »

Et encore, Genèse 1,27 :


« Et Dieux décida – l’homme - le terrien - — à Son ombre : – c’est à Son ombre que Dieux – le décidait :
Homme-remembrance et Femme-accueil – Il les décidait. »

La lecture demande une certaine attention et un effort, surtout si on lit les commentaires. Mais le texte prend alors toute sa force évocatrice, surtout si on le relit à haute voix, en essayant de tenir compte du rythme proposé par les différents signes inclus dans la traduction.

Le texte est parsemé d’expressions très évocatrices. J’en retiens deux :

le Nom de Dieu, Yahvé dans la Bible de Jérusalem, le SEIGNEUR dans la Traduction œcuménique, est ici traduit par YHWH l’Ineffable.
Dans Qohéleth : « Buées des buées, dit l’Ecclésiaste, – tout est buée. »

Par contre, on peut s’interroger sur la remarque suivante (précédant le commentaire de Gn 1,1) : « Dans ce qui suit, la graphie D.ieu est inspirée de certains auteurs, avec l’intention de restituer quelque chose des consonnes du Nom qu’on ne prononce pas. » En fait, cette graphie intervient une fois ou l’autre dans les commentaires, et si j’ai bien lu, une seule fois dans le texte même de la traduction, en Isaïe 53,12 (alors que de nombreuses fois la graphie habituelle Dieu est maintenue). Pour le lecteur que je suis, les raisons de ce choix ne sont pas très claires.

Pour l’ensemble, on ne peut que recommander de prendre le temps de se laisser porter par le texte tel qu’il est proposé.

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