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Jours tranquilles à Kaboul

21 août 2018 | resena
Jours tranquilles à Kaboul

Emmanuel MOY

Père Patrice Sabater, cm

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Emmanuel MOY est mathématicien et plus précisément Docteur en astrophysique. Son horizon professionnel semblait tracé jusqu’à ce qu’une amie l’invite à venir dans les Territoires palestiniens. Appel impérieux du cœur, nécessité de se donner, « âme solidaire », générosité débordante… Qu’est-ce qui motive cet astrophysicien à rejoindre une ONG ? En 2005, sa vie change de cap. Le voilà résolument investi sur les chemins du monde. Il passera six mois dans le Nord du Pakistan avant de rejoindre l’Indonésie. L’ONG « Solidarité internationale» le recrute pour rejoindre Haïti et l’Afghanistan.

Découvrir de nouvelles cultures, se sentir utile, obtenir une expérience internationale, se dépasser. Quelles sont les raisons de ce chroniqueur ? Les raisons de vouloir partir en mission humanitaire abondent. Rejoindre une mission internationale pour travailler en équipe, être acteur pour un monde meilleur est un nerf désormais vital. Depuis l’écriture de cette chronique, Emmanuel MOY est parti en Centrafrique.

Les Editions Riveneuve, fidèles à la ligne éditoriale de son Directeur Gilles KRAEMER, nous proposent dans sa Collection « Jours tranquilles » un nouveau regard sur un pays vu au prisme de la guerre, de la terreur perpétrée par les Talibans et d’autres courants islamistes violents : l’Afghanistan. Ce pays ne se résume pas à ces images diffusées par les médias internationaux. L’auteur dépeint au fil des jours la vie du peuple afghan, sa quête de tranquillité, ses aspirations à la paix dans ce pays qui prend l’occidentale à contre-pied… Une mission de 15 mois pour venir en aide à ce peuple des montagnes aux confins du Moyen-Orient.

Le préfacier, Pierre MICHELETTI, nous dit que cet « ouvrage a été écrit par l’un de ces acteurs humanitaires, sans parti pris, plutôt comme le journal de bord d’un observateur attentif, bienveillant et… lucide. L’action humanitaire n’est pas dénuée de risques, le lecteur le découvrira dans ces pages. Mais elle est aussi une formidable affaire d’émotions, d’amitiés ». (page 10)

Un Carnet de voyages pour aller à la rencontre de 30 millions d’habitants, pour partager avec sa population (principalement avec les hommes, car ce n’est guère aisé de pouvoir aborder comme un homme occidental les femmes afghanes), pour apporter sa pierre à l’édifice dans ce pays façonné par l’Histoire et la résistance. Les Russes s’y sont cassé les dents et les Américains n’ont pas eu de prise sur ce pays… La figure du Commandant Ahmad Chah Massoud, le «Lion du Panshir», né en 1953 dans la vallée du Panshir (nord-est), et d’origine tadjike (ethnie minoritaire), est incontournable surtout depuis qu’il est tombé le 9 septembre 2001. Al-Qaïda a eu raison de cet homme qui incarnait la défense acharnée des habitants de cette vallée de l’Est afghan contre les Soviétiques et les Talibans. Certains le considèrent, à tort ou à raison, comme le «Che Guevara afghan»…
Les tensions sont présentes. La guerre est là. En semant la peur…, et peut-être à la fois une résignation mêlée d’un ras-le-bol, les attentats produisent leurs effets auprès des populations. Les alliances changent au gré des circonstances, des promesses, du vent, du rapport de forces. Rien n’est stable comme le travail humanitaire, et le travail tout court – surtout durant le rigoureux hiver afghan où la température peut descendre jusqu’à – 20° C ! L’Etat, si faible et asphyxié, n’est guère crédible et n’offre pas réellement d’alternative solide… ni aucune espérance. Les talibans laissent faire les ONG qui se dévouent à œuvrer pour le pays et sa population. Malgré tout, les ONG doivent être dans une permanente attention de ce qui pourrait se passer, de ce qui pourrait advenir d’un jour à l’autre. Cependant, elles trouvent, dans la population, des appuis et des aides. Le chroniqueur n’évoque pas seulement les montagnes de l’Hindu Kuch mais aussi et surtout la capitale Kaboul qu’il rejoindra lorsque les tensions seront plus vives. Kaboul la « désespérée ». Kaboul, où on craint d’être au mauvais endroit et au mauvais moment…

Le livre d’Emmanuel MOY, malgré des pages touchantes et belles, clôt son carnet de route d’une manière un peu pessimiste. La réalité est là, et nous la souhaiterions tellement différente. « C’est un prodigieux terreau de désespoir et de colère qui est en train de naître en Afghanistan. Que feront les jeunes nés dans les bidonvilles ? Quelles perspectives auront-ils ? Comment réagiront-ils lorsqu’ils entendront, et cela viendra, de nouveaux prêches passionnés les incitant à la haine et à la lutte armée ? » (…) (page 223)

Ce livre n’est pas un carnet de voyages offert à notre lecture pour agrémenter notre imaginaire et nos désirs d’évasion. Il peint une réalité dramatique dans laquelle se débat depuis de nombreuses années un peuple qui aspire à des lendemains heureux… Il faut craindre qu’ils ne soient pas si proches que cela ! Merci à Gilles KRAEMER et à Emmanuel MOY de nous avoir donné une nouvelle fois l’occasion d’entrer en amitié avec des terres lointaines et… des peuples frères en humanité.

 

Patrice Sabater, cm
Juillet 2018

 

Emmanuel MOY, Jours tranquilles à Kaboul. Editions Riveneuve, Paris 2014. 235 pages. 15 €
 

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